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Le Monde – Nouvelle-Calédonie : la CCAT, organisation indépendantiste au cœur de la mobilisation et de toutes les critiques
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POLITIQUE
Nouvelle-Calédonie : la CCAT, organisation indépendantiste au cœur de la mobilisation et de toutes les critiques
Mise en cause par le gouvernement dans les émeutes, la cellule de coordination des actions de terrain est un collectif, créé fin 2023, pour mobiliser contre la réforme du corps électoral. Des militants font l’objet d’une enquête judiciaire, d’autres se sentent débordés par les violences.
Par Mathurin Derel (Nouméa, correspondance)
Par Mathurin Derel (Nouméa, correspondance)
Par Mathurin Derel (Nouméa, correspondance)
Hier à 13h30, modifié à 03h22
Lecture 6 min
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Conférence de presse de la délégation Kanak de la CCAT (cellule de coordination des actions de terrain) à Paris le 16 mai 2024, avec (de gauche à droite) David Wanabo, commissaire général adjoint de l’Union calédonienne, Dominique Fochi, secrétaire général de l’Union calédonienne, Rock Haocas, coordinateur général du Parti travailliste, et Daniel Wéa, président du Mouvement des jeunes Kanak en France. MORGAN FACHE POUR « LE MONDE »
Le ministre de l’intérieur et des outre-mer, Gérald Darmanin, a vivement mis en cause la cellule de coordination des actions de terrain (CCAT), jeudi 16 mai, la qualifiant de « mafieuse ». Soupçonnés d’être les commanditaires des violences qui enflamment la Nouvelle-Calédonie depuis lundi 13 mai, des membres de la CCAT font désormais l’objet d’une enquête. Cet organe, créé en novembre 2023, a porté la mobilisation contre le dégel du corps électoral de l’archipel depuis plusieurs mois. Il fait aujourd’hui l’objet de virulentes critiques, mais reste méconnu.
La CCAT prend place au sein des équilibres complexes du mouvement indépendantiste néo-calédonien qui est loin d’être monolithique, entre radicaux et modérés. Le point de départ tient à la volonté de faire l’unité, la seule option jugée possible pour peser dans les négociations de sortie du second accord de Nouméa, en 1998, face à un gouvernement alors accusé par les indépendantistes d’avoir choisi la méthode du « passage en force ».
Une gageure. A de nombreuses reprises, la question de l’ouverture du Front de libération nationale kanak et socialiste (FLNKS) – un rassemblement pour l’indépendance – à d’autres organisations a été mise sur la table, sans jamais parvenir à trouver de consensus. Le FLNKS regroupe quatre principaux partis : l’Union calédonienne (UC), la Palika (Parti de libération kanak), le Rassemblement démocratique océanien (RDO) et l’Union progressiste en Mélanésie (UPM). Mais il exclut toutes les autres formations politiques, syndicales ou religieuses qui représentent pourtant une part non négligeable des voix en faveur de l’émancipation de l’archipel. Parmi celles-ci, notamment, l’importante Union syndicale des travailleurs kanak et des exploités (USTKE) proche du monde libertaire, et sa déclinaison politique, le Parti travailliste.
Rassemblement le plus large possible
Le projet d’intégrer tous ces mouvements pro-indépendantistes dans une seule et même organisation a alors fait débat. Face aux atermoiements du Palika, qui redoutait une dilution du pouvoir de décision, l’UC s’est finalement décidée à contourner le problème, mi-novembre 2023 lors d’un de ses congrès, en actant la création de la fameuse CCAT. L’idée alors est simple : rassembler le plus largement possible pour s’opposer à la réforme constitutionnelle visant à ouvrir le corps électoral pour les élections provinciales.
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Lors de la toute première conférence de presse organisée fin novembre 2023, les responsables de la cellule alertent sur « le risque que fait courir l’Etat » avec « un passage en force ». Ces mêmes mots seront inlassablement répétés, au gré des mobilisations pacifiques et familiales, ainsi que des innombrables réunions d’information qui se sont tenues jusqu’au début du mois de mai.
Depuis l’explosion de violence du 13 mai, l’UC et la CCAT sont accusés par le pouvoir d’avoir endoctriné les jeunes. Au cours de sa mission réalisée entre le 11 mars et le 15 mars à Nouméa sur la situation, la délégation aux outre-mer de l’Assemblée nationale affirme, mais sans les nommer, que des membres de l’UC ont averti des risques en ces termes : « Les représentants de ce parti ont déclaré aux rapporteurs : “Si vous touchez au corps électoral, ce sera la guerre. Nos jeunes sont prêts à y aller. S’il faut en sacrifier mille, on le fera.” »
« On ira dans le mur »
A la tête de la cellule, face aux médias, Christian Tein, quinquagénaire originaire du sud de la Grande Terre, est connu de tous sous le nom de « Bichou ». Ce militant de longue date de l’UC, en est un des cadres, en tant que commissaire politique. Il s’était déjà trouvé en première ligne lors du conflit violent dit « de l’usine du Sud », fin 2020-début 2021 : pour sauver ce site essentiel du secteur du nickel, menacé par la décision du géant minier Vale de quitter l’archipel, l’idée était que les collectivités calédoniennes prennent la majorité au capital.
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Une vraie campagne a ensuite été entreprise contre le projet de réforme électorale du gouvernement, qui a porté ses fruits, avec des discours parfois radicaux. Le 13 avril fut un point d’orgue – pacifique – de ce travail avec une mobilisation monstre rassemblant des dizaines de milliers de personnes dans le centre-ville de Nouméa, donnant une idée de l’ampleur de l’opposition au texte porté par Gérald Darmanin.
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Dans son rapport, la délégation aux outre-mer rapporte ces propos de Christian Tein, après l’adoption par le Sénat, le 2 avril, de la loi sur le corps électoral : « Je ne sais pas ce que sera la fin de cet épisode, mais si on continue à pousser, on ira dans le mur. Le bordel, tout le monde sait le faire, l’orchestrer, etc. Mais l’arrêter c’est autre chose. Backès [Sonia Backès, présidente loyaliste de la province Sud] et l’Etat nous emmènent sur un terrain glissant et à un moment donné, on prendra aussi nos dispositions. »
Un rassemblement organisé par la cellule de coordination des actions de terrain (CCAT) devant le tribunal de Nouméa pour soutenir quatorze activistes accusés d’obstruction de trafic et dégradation de propriétés, le 13 mai 2024. THEO ROUBY / AFP
Du côté politique, entre-temps, devant le succès grandissant des manifestations, l’ouverture à toutes les composantes était finalement décidée par le FLNKS, fin mars, à l’occasion de son 42e congrès. Un groupe de travail était alors mis sur pied pour modifier la charte du Front. Mais là encore, les discussions se sont enlisées, comme le confiait au Monde un responsable d’un parti nationaliste, il y a quelques semaines. Pour lui, au-delà de la capacité à mobiliser, tout l’enjeu est de parvenir à définir une stratégie commune pour parler d’une même voix.
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Ayant plus ou moins les mêmes missions d’informer sur la cause indépendantiste et de mobiliser, la CCAT s’est retrouvée aux côtés des comités nationalistes et citoyens (CNC) du FLNKS, rassemblant en particulier les membres du Palika, du RDO et de l’UPM n’ayant pas rejoint la cellule. Peu de temps avant le début de la crise, des tendances au sein de l’UC pressaient pour que le travail d’ouverture soit finalisé afin de pouvoir fusionner la CCAT et les CNC.
« La CCAT ne gère plus rien »
Les violences du 13 mai qui ont ciblé l’économie à Nouméa et qui semblent montrer que les radicaux l’ont, au moins provisoirement, emporté, en auront décidé autrement. Et ce, à la stupéfaction d’un grand nombre de manifestants de la CCAT. C’est le cas de cette indépendantiste d’une quarantaine d’années qui rentrait chez elle, lundi 13 mai à la nuit tombante. « C’était encore bon enfant, il y avait les papas, les mamans et les enfants qui tenaient les drapeaux sur les barrages filtrants et puis boum ! Tout a basculé », témoigne-t-elle.
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Dans un quartier qualifié de « zone à reprendre » par le haut-commissaire de la République sur l’archipel, Louis Le Franc, elle assiste aux réunions qui se tiennent deux fois par jour pour passer les informations. En sortant de l’une d’entre elles où le mot d’ordre était l’appel au calme, au lendemain des premières violences, elle se souvient avoir entendu deux jeunes dire : « On s’en fout des politiques, on s’en fout de la CCAT. » « C’est là que je me suis rendu compte que la CCAT ne gérait plus rien », explique-t-elle.
De jeunes Kanak urbains qui n’ont rien à perdre, habitant les squats ainsi que les quartiers les plus défavorisés, sont mobilisés. Souvent sortis du système scolaire sans diplôme et sans perspective, ils en sont venus à se surnommer eux-mêmes les « cafards ». Alors que la situation est toujours hors de contrôle, des manifestants de la CCAT se démènent sur le terrain pour tenter de les ramener à la raison. Dans la plupart des quartiers, le mot d’ordre circule de détruire les bouteilles d’alcool, volées en quantité phénoménale lors des pillages, qui fournissent le combustible nécessaire à l’embrasement de cette jeunesse.
Une organisation « qui commet des pillages »
L’enquête ouverte le 17 mai par le parquet de Nouméa pour « association de malfaiteurs, vols, dégradation par incendie en bande organisée, groupement en vue de commettre des violences ou des dégradations » déterminera s’il y a bien eu des « commanditaires » à toutes ces violences, selon le procureur. Mais du côté indépendantiste, beaucoup y voient surtout un rideau de fumée.
Le 16 mai, sur France 2, le ministre de l’intérieur et des outre-mer a accusé la CCAT d’être une organisation « mafieuse, violente », qui « commet des pillages, des meurtres » et n’est « pas politique ». Il avait alors affirmé que « dix leaders mafieux du CCAT » avaient été assignés à résidence. Avant de regretter « qu’une partie des indépendantistes calédoniens aient fait un deal avec l’Azerbaïdjan », accusé d’ingérence en Nouvelle-Calédonie.
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Dans le camp indépendantiste, ces déclarations de Gérald Darmanin visant la CCAT, ainsi que les accusations d’ingérence étrangère, sont perçues comme une manière pour le ministre de se dédouaner de son incapacité à gérer le dossier calédonien et de son manque d’anticipation de la crise actuelle.
Au début du mois de mars, à l’occasion d’une conférence de presse sur le bilan de la délinquance en 2023 et les perspectives pour 2024, à la question du Monde de savoir comment l’Etat se préparait pour encadrer les mobilisations à venir, le haut-commissaire avait déclaré : « Elles ont été annoncées, elles ont été démontées dans la foulée. Je ne vais pas mettre en place un dispositif particulier pour des manifestations qui n’auront pas lieu. »
Mathurin Derel (Nouméa, correspondance)
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