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Le Monde – Quand la Chine tentera-t-elle de prendre Taïwan ?
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DÉBATS
Quand la Chine tentera-t-elle de prendre Taïwan ?
ANALYSE
Harold Thibault
Pékin, correspondant
Lai Ching-te a été officiellement investi président de Taïwan, lundi 20 mai. Il devra faire face, comme sa prédécesseure, aux tentatives répétées de Xi Jinping d’intégrer l’île dans le giron chinois.
Aujourd’hui à 13h00, modifié à 13h54
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Les deux mandats de la présidente sortante de Taïwan, Tsai Ing-wen (2016-2024), furent tendus avec la Chine, mais ils pourraient n’être rien à côté de celui qu’a entamé son successeur, Lai Ching-te, investi officiellement lundi 20 mai. De l’autre côté du détroit, le président chinois, Xi Jinping, a promis de rattacher politiquement l’île au continent par la voie pacifique si possible, mais par la force si nécessaire. Sans cesse répétée, cette ambition crée une forme d’obligation d’agir.
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L’obsession remonte à la fin de la guerre civile chinoise (1927-1949) et à la fondation de la République populaire en 1949 : le repli de Tchang Kaï-chek sur Taïwan donne lieu à la coexistence de deux entités prétendant gouverner la Chine. Elle n’est donc pas que géographique, mais aussi politique, historique : la Chine communiste s’est construite autour de la nécessité de clore ce chapitre, tache originelle sur la prise de pouvoir du Parti communiste chinois, qui ne fut pas complète.
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Or, selon Xi Jinping, cette mission historique « ne peut se passer de génération en génération ». Elle est un élément central du grand « renouveau » chinois qui a justifié la levée, en 2018, de la limitation à deux mandats présidentiels. Dès lors, comment un président tout-puissant pourrait-il passer trois, voire probablement quatre mandats, soit vingt années, au pouvoir, sans résultat concret sur la question présentée à sa population comme la plus déterminante ? Le constat a de quoi inquiéter les Taïwanais.
Option politique
De là s’est installée une date, la « fenêtre Davidson ». Avant de quitter son poste en 2021, le chef du commandement américain pour l’Indo-Pacifique, Philip Davidson, avait estimé devant le Congrès des Etats-Unis que « la menace [était] manifeste durant cette décennie, en fait ces six prochaines années », considérant que la Chine voulait être capable militairement d’envahir l’île en 2027. Son successeur a répété lui aussi cette date. Mais, selon les médias américains, dont NBC, lors de sa rencontre à San Francisco avec le président des Etats-Unis, Joe Biden, en novembre 2023, Xi Jinping lui a confié que, si la Chine compte bien prendre Taïwan, l’option politique reste préférée à la voie militaire et que le timing n’est pas arrêté.
L’affaire tient énormément à l’évaluation du risque par M. Xi. Sa carrière l’a convaincu qu’une manœuvre audacieuse peut passer face à des Occidentaux qui préfèrent le confort au conflit et qu’il faut savoir assumer le coût de ses objectifs politiques. Dès l’arrivée au pouvoir du dirigeant, à l’automne 2012, la Chine a construit des îles artificielles sur des îlots contestés en mer de Chine méridionale ; elle a envoyé en camp d’internement probablement un million de Ouïgours à partir de 2016 et implanté à Hongkong, en 2020, les méthodes continentales pour faire taire la dissidence. Malgré cette surenchère répressive, la part de la Chine est passée de 20 % à 30 % dans la production manufacturière globale entre 2012 et 2021.
Le fonctionnement politique de l’île et ses valeurs progressistes – adoption du mariage homosexuel, regard lucide sur les années de dictature – sont une incitation à la faire taire, car ils montrent la possibilité de la démocratie et de l’Etat de droit dans le monde chinois. Le problème est que la voie politique préférée par Xi Jinping s’est fermée. Il n’est pas certain que les autorités chinoises en soient tout à fait conscientes, mais la reprise en main brutale imposée à Hongkong a traumatisé les Taïwanais, et la vision d’une Chine devenue bien plus rouge et dure sous les mandats de M. Xi a convaincu une majorité à Taïwan qu’ils ne doivent pas y être rattachés.
Quant à la population chinoise, elle a été nourrie à cette grande cause nationale, mais elle est aussi préoccupée par son quotidien économique, qu’un grand conflit à Taïwan compromettrait. Une guerre pourrait être un ferment mobilisateur face au ralentissement économique. A l’inverse, les Chinois pourraient demander pourquoi la prospérité tant promise et qui arrive enfin à leur portée serait sacrifiée pour Taïwan. Par ailleurs, les Chinois s’entendent tellement souvent dire que Taïwan est la Chine qu’il faudrait justifier le fait d’aller combattre ses frères.
Avancée historique
Mais il existe tout un spectre de gestes intermédiaires qui feraient monter la tension d’un cran sans nécessairement mener à la guerre totale. Autour de la petite île de Kinmen, sous contrôle taïwanais mais située à environ 4 kilomètres de la Chine continentale et plus de 130 kilomètres de l’île de Taïwan, la population est très favorable aux échanges avec la Chine. Il suffirait d’un incident, et l’on peut se demander si Taipei oserait mettre toutes ses forces dans la bataille pour une île si éloignée. Xi Jinping, lui, pourrait déjà revendiquer une avancée historique.
A moins que la nouvelle configuration politique à Taïwan n’incite la Chine à jouer le jeu, au moins un temps. Le 13 janvier, les Taïwanais ont élu pour président M. Lai, haï par Pékin pour s’être présenté comme « travailleur pragmatique pour l’indépendance ». Mais, au Parlement, sa formation, le Parti démocrate progressiste (DPP), a perdu la majorité, ne remportant que 51 sièges contre 52 pour le Kouomintang (KMT), partisan d’une relance des échanges avec la Chine.
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Pékin pourra utiliser cette forme de cohabitation pour proposer des avancées avec la majorité parlementaire relative du KMT. C’est le sens du voyage en Chine de l’ex-président issu du KMT, Ma Ying-jeou, début avril, au cours duquel il a été reçu par Xi Jinping, puis, fin avril, de dix-sept députés du KMT, dont leur chef de groupe parlementaire.
Cette division entre pouvoirs exécutif et législatif pourrait freiner la préparation militaire de l’île, le KMT ayant tout loisir de bloquer des budgets de défense pour la modernisation en les jugeant trop provocants vis-à-vis de Pékin. Mais elle donne un argument à Pékin pour considérer que la voie politique n’est pas tout à fait morte et permet d’affaiblir le DPP honni, pour rêver d’un retour un jour au pouvoir du KMT.
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Harold Thibault (Pékin, correspondant)
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