~~NOTOC~~ @DATE@ ---- ====== [Le Monde – Sevrée du gaz russe, l’Europe dans le piège de l’énergie chère]( ====== [Le Monde – Sevrée du gaz russe, l’Europe dans le piège de l’énergie chère](https://www.lemonde.fr/economie/article/2024/05/02/sevree-du-gaz-russe-l-europe-dans-le-piege-de-l-energie-chere_6231076_3234.html?lmd_medium=al&lmd_campaign=envoye-par-appli&lmd_creation=android&lmd_source=default ) Vous pouvez partager un article en cliquant sur l’icône de partage en bas à droite de celui-ci. La reproduction totale ou partielle d’un article, sans l’autorisation écrite et préalable du Monde, est strictement interdite. Pour plus d’informations, consultez nos conditions générales de vente. Pour toute demande d’autorisation, contactez syndication@lemonde.fr. En tant qu’abonné, vous pouvez offrir jusqu’à cinq articles par mois à l’un de vos proches grâce à la fonctionnalité « Offrir un article ». https://www.lemonde.fr/economie/article/2024/05/02/sevree-du-gaz-russe-l-europe-dans-le-piege-de-l-energie-chere_6231076_3234.html ÉCONOMIE Sevrée du gaz russe, l’Europe dans le piège de l’énergie chère « Les défis économiques d’une Europe fragilisée » (3/5). Si le Vieux Continent est parvenu à réduire sa dépendance au gaz russe, il paye encore son énergie très cher face aux Etats-Unis ou à la Chine. Au risque de perdre la bataille de la réindustrialisation et des technologies propres. Par Virginie Malingre (Bruxelles, bureau européen) et Adrien Pécout Par Virginie Malingre (Bruxelles, bureau européen) et Adrien Pécout Par Virginie Malingre (Bruxelles, bureau européen) et Adrien Pécout Aujourd’hui à 04h30, modifié à 15h16 Lecture 7 min Article réservé aux abonnés Offrir Le méthanier « Höegh Esperanza », au terminal GNL de Wilhelmshaven (Allemagne), le 2 septembre 2023. STEFAN RAMPFEL / PICTURE ALLIANCE VIA GETTY IMAGES Les Européens ne peuvent pas dire qu’ils n’étaient pas conscients du problème. En 2006, 2009 et 2014, Moscou avait déjà interrompu ponctuellement ses livraisons de gaz, sur fond de différends avec le gouvernement ukrainien. Une « brutale prise de conscience », affirmait la Commission en 2014. Elle préparait alors une stratégie pour la sécurité énergétique, qui n’a manifestement servi à rien. Les Vingt-Sept ont continué à importer ce gaz russe, si abondant et si bon marché, qui a longtemps dopé la compétitivité de l’industrie allemande. Il aura fallu que la Russie envahisse l’Ukraine, le 24 février 2022, et leur coupe par la suite le robinet des gazoducs Nord Stream et Yamal pour que les choses changent. Emmanuel Hache, économiste à l’Institut de relations internationales et stratégiques, dénonce la « faillite » de l’Europe de l’énergie. LA SUITE APRÈS CETTE PUBLICITÉ Ce manque d’anticipation, les Européens l’ont payé très cher. Politiquement, d’abord : s’ils ont, pour le charbon et le pétrole, décidé d’eux-mêmes d’un embargo sur les livraisons russes, pour le gaz, ils se sont privés d’un instrument de sanction contre Moscou. Economiquement, surtout. Les factures d’énergie des ménages et des entreprises se sont brutalement envolées à des niveaux stratosphériques. Les Etats ont, en urgence, ouvert le portefeuille pour les aider à passer ce moment difficile, ce qui a affecté leurs finances publiques. Lire aussi : « Pour la première fois, l’UE reconnaît le rôle du nucléaire dans le combat pour la décarbonation de l’économie » De Paris à Berlin, en passant par La Haye ou Rome, les gouvernements ont surtout eu très peur de devoir, à l’hiver 2022-2023, rationner leur économie. D’autant qu’une bonne partie du parc nucléaire français était à l’arrêt, immobilisé par des problèmes de corrosion sur certains réacteurs. Berlin et Varsovie ont, dans l’urgence, décidé de remettre en service des mines de charbon, mais cela ne pouvait suffire. Les citoyens allaient-ils pouvoir se chauffer ? Les usines pourraient-elles tourner sans encombre ? A l’été 2022, l’Allemagne, qui redoutait plus que tout des ruptures d’approvisionnement, ramassait tout ce qu’elle pouvait trouver sur les marchés, faisant s’envoler encore un peu plus les cours pour ses partenaires européens. Lire aussi : Guerre en Ukraine : comment l’Europe peut réduire son ultradépendance au gaz de la Russie A Bruxelles, les conseils des ministres de l’énergie se sont succédé pour essayer d’éviter le pire. Finalement, après des nuits de négociations, les Vingt-Sept se sont entendus sur un plan de riposte, qui, deux ans plus tard, a porté ses fruits. Réduction de la consommation de gaz, diversification massive des approvisionnements, achats de gaz en commun, remplissage des réserves de stockage, levée des contraintes réglementaires pour faciliter la montée en puissance des énergies renouvelables : aucun angle d’attaque n’a été ignoré. Quelle est la situation, aujourd’hui ? Cinq grands constats s’imposent. Les importations de gaz russe se poursuivent Les Européens importent encore du gaz de Moscou. Car les Russes ont interrompu seulement leurs livraisons qui passaient par Nord Stream et Yamal, pas les autres. Les gazoducs Brotherhood (qui passe par l’Ukraine et alimente l’Autriche et la Hongrie) et Turkstream (par la Turquie, notamment à destination de la Bulgarie) continuent ainsi de desservir l’Union européenne (UE). Le Monde Jeux Chaque jour de nouvelles grilles de mots croisés, Sudoku et mots trouvés. Jouer Surtout, les Vingt-Sept ont augmenté leurs achats de gaz naturel liquéfié (GNL) russe. Ces importations par navire représentaient 13,5 milliards de mètres cubes en 2021 et sont montées, en 2023, à près de 18 milliards de mètres cubes, selon un rapport publié, le 19 avril, par l’Agence de coopération des régulateurs européens de l’énergie. La France reçoit à elle seule 29 % de ces livraisons, ce qui en fait le deuxième pays de destination derrière l’Espagne (37 %). Lire aussi la tribune : « La crise de l’énergie représente le plus grand risque systémique pour l’Europe » « Malgré les beaux discours, dans les faits, il existe encore des contradictions dans les politiques européennes », convient Phuc-Vinh Nguyen, chercheur pour l’Institut Jacques Delors. C’est un fait, l’Europe ne s’est pas totalement débarrassée du gaz russe. Mais, même si un pays comme l’Autriche reste massivement dépendant des livraisons de Moscou, l’UE, dans son ensemble, a bel et bien été contrainte de réduire drastiquement ses approvisionnements. En 2023, les importations de gaz livré par Moscou s’élevaient à près de 43 milliards de mètres cubes – soit 15 % des importations de cet hydrocarbure par les Vingt-Sept –, contre plus de 150 milliards de mètres cubes (45 % des importations gazières) en 2021, avant la guerre. La Suède, la Finlande et les Etats baltes militent aujourd’hui pour un embargo sur le GNL russe. Mais les sanctions nécessitent l’unanimité des Vingt-Sept, et leur proposition ne fait, pour l’heure, pas consensus. Certains pays, à commencer par la Hongrie, refusent de se priver d’une ressource qui reste chère. D’autant que Kiev a annoncé son intention de ne pas renouveler l’accord sur le transit du gaz entre l’Ukraine et la Russie, qui avait été conclu en 2019 et doit expirer le 31 décembre. Les approvisionnements se sont diversifiés Pour compenser la chute des livraisons de gaz russe, les Européens sont allés chercher d’autres fournisseurs. Les livraisons de GNL américain ont ainsi été multipliées par trois entre 2021 et 2023 et les Etats-Unis sont désormais le premier fournisseur de GNL en Europe et le deuxième fournisseur gazier tout court, derrière la Norvège, mais devant la Russie, l’Algérie et le Qatar. Ces pays ont certes permis à l’UE d’éviter des ruptures d’approvisionnement, mais ils ne lui ont pas pour autant fait de cadeau. « On va dire avec beaucoup d’amitié à nos amis américains, nos amis norvégiens : “Vous êtes super, vous nous fournissez du gaz”, mais il y a un truc qui ne peut pas marcher très longtemps, c’est qu’on ne peut pas payer, nous, le gaz quatre fois plus cher que vous vous le vendez à vos industriels », déclarait Emmanuel Macron, le 6 octobre 2022. Lire aussi : « L’Europe est passée, en moins de trois mois, de la pénurie au trop-plein de gaz » Surtout, d’un point de vue géopolitique, cette stratégie n’est pas forcément la plus audacieuse : en se tournant très largement vers son partenaire américain, avec lequel elle a négocié des contrats à long terme, l’UE a créé une nouvelle dépendance dont certains redoutent les conséquences en cas de retour de Donald Trump à la Maison Blanche. Enfin, les associations de défense de l’environnement regrettent le remplacement d’une énergie fossile (le gaz classique) par une autre énergie fossile (sous forme liquéfiée). D’autant que ce type de marchandise s’avère encore plus nocif pour la planète lorsqu’il s’agit de gaz de schiste, produit aux Etats-Unis par fracturation hydraulique – une méthode interdite en France depuis 2011. L’usage du solaire, de l’éolien et de l’hydraulique s’est accru Les Européens ont accéléré, à l’occasion de cette crise majeure, leur recours aux énergies renouvelables. La part du solaire, de l’éolien ou de l’hydraulique a également progressé dans leur consommation énergétique. Elle représentait 23 % en 2022, selon Eurostat, contre 21,9 % en 2021, et les Vingt-Sept, dans le cadre du pacte vert, qui doit leur permettre d’atteindre la neutralité carbone en 2050, ont prévu qu’elle s’élèverait à 42,5 % en 2030. Dans le domaine plus spécifique de l’électricité, la part des renouvelables est déjà montée à 44 % en 2023, d’après le cercle de réflexion britannique Ember. A l’inverse, celle du gaz diminue (16,8 %), l’éolien la dépassant pour la première fois, tout comme celle du charbon (12,3 %). « [En 2023], l’UE a été capable de produire, pour la toute première fois, davantage d’énergie à partir d’éoliennes qu’à partir du gaz », s’est félicitée, le 23 avril, Ursula von der Leyen, la présidente de la Commission, devant le Parlement de Strasbourg, louant « une magnifique réussite ». Lire aussi Les Européens échouent une nouvelle fois à s’entendre sur le plafonnement du prix du gaz Le recours croissant aux énergies renouvelables, s’il a l’immense mérite d’être bénéfique d’un point de vue climatique, crée aussi de nouvelles dépendances. Car la Chine domine largement la chaîne de valeur pour la fabrication des panneaux solaires, ainsi que pour les métaux stratégiques servant à construire les éoliennes et les batteries des voitures électriques. Les Européens, qui cherchent à relancer leur industrie verte, en ont bien conscience. Mais, à ce stade, ils n’ont pas encore trouvé la recette qui leur permettra d’éviter cet écueil. Le nucléaire connaît un regain d’intérêt Emmanuel Macron, qui avait deux semaines avant le début de la guerre annoncé son intention de lancer le chantier d’au moins six nouveaux réacteurs nucléaires français, a trouvé, avec l’invasion russe, de nouveaux arguments pour en faire l’article sur la scène européenne. Des mois durant, la France a lutté contre l’Allemagne pour que l’atome puisse bénéficier des mêmes avantages que les énergies renouvelables. Elle compte aujourd’hui aller plus loin. A l’occasion de son second discours de la Sorbonne, jeudi 25 avril, Emmanuel Macron a appelé les Vingt-Sept à « assumer de construire l’Europe de l’atome ». Paris compte faire avancer sa cause en s’appuyant sur l’« alliance du nucléaire » qui rassemble, autour de la France, onze pays, dont cinq avec des réacteurs de conception soviétique (Bulgarie, République tchèque, Hongrie, Finlande et Slovaquie). Face à elle, un autre groupe informel – « les amis des renouvelables » –, qui rassemble treize pays, dont l’Allemagne, l’Autriche et le Luxembourg, ne compte pas se laisser faire. Lire aussi L’énergie nucléaire compte de plus en plus de partisans en Europe L’atome reste la première source électrique de l’UE (22,9 % au cours de l’année écoulée), malgré la fermeture, en avril 2023 des trois derniers réacteurs allemands. Pour Fatih Birol, directeur de l’Agence internationale de l’énergie, l’« abandon » du nucléaire par l’UE ces dernières années a constitué l’une de ses « erreurs monumentales » en matière d’énergie, comme il l’a répété, le 16 avril, à Bruges (Belgique), au Collège d’Europe. Le prix du gaz est retombé Après un emballement qui était d’ailleurs antérieur à la guerre, dû à une forte demande mondiale, les tarifs du gaz sont repartis à la baisse. Au premier trimestre, le mégawattheure s’échangeait à moins de 30 euros sur le marché de gros néerlandais, référence continentale. Soit dix fois moins qu’au plus fort de la crise, à l’été 2022. Outre des températures anormalement douces, « la consommation de gaz en Europe [incluant l’UE, le Royaume-Uni, la Norvège et la Turquie] est tombée en 2023 à son plus bas niveau en dix ans », explique l’Institute for Energy Economics and Financial Analysis, établissement américain, dans une étude présentée en février. Soit 452 milliards de mètres cubes en 2023, contre 472 milliards en 2014. Lire aussi : « Le prix du gaz est revenu au niveau d’avant la guerre en Ukraine » Par ailleurs, compte tenu des investissements massifs qui ont été faits pour augmenter la production de GNL depuis deux ans, ajoute Ursula von der Leyen, « nous pourrions bientôt, au niveau mondial, passer d’un déficit à une abondance de GNL ». Ce qui pourrait tirer les prix vers le bas. A l’inverse, si la Chine, qui tourne aujourd’hui au ralenti, renouait avec des niveaux de croissance comparables à ceux d’avant-Covid-19, cela aurait un effet inflationniste. Si le Vieux Continent est donc parvenu à éviter le rationnement et à stabiliser les prix, il paye encore son énergie très cher, bien plus en tout cas que les Etats-Unis ou la Chine. « Les coûts de l’énergie continuent de peser sur notre compétitivité, notamment celle des industries à forte intensité énergétique », ajoute Ursula von der Leyen. Dans son rapport sur le marché intérieur, publié le 18 avril, l’ancien premier ministre italien Enrico Letta se félicite de l’unité dont les Vingt-Sept ont fait preuve dans la crise énergétique. Mais, passé l’imminence du danger, « il existe aujourd’hui un risque réel de (…) retour en arrière », de réglementations fragmentées et complexes dont se plaignent les industriels, poursuit-il. L’UE sait qu’elle doit à tout prix, si elle ne veut pas perdre la bataille des technologies propres, faire baisser le prix de l’énergie sur son sol. La Chine a déjà laminé une partie de l’industrie européenne et le précédent des panneaux solaires, qui l’a vue tuer toute concurrence alors que l’Europe faisait pourtant figure de pionnière au début des années 2000, est dans toutes les têtes. Quant aux Etats-Unis, ils tentent d’attirer les industriels européens, à coups de subventions massives, faisant craindre aux Vingt-Sept une vague de délocalisations. Retrouvez tous nos articles de la série « Les défis économiques d’une Europe fragilisée » Mis à jour aujourd’hui à 08h15 Le défi de la réindustrialisation En Europe, une si difficile réindustrialisation La défense, nouvelle priorité industrielle de la prochaine Commission européenne La réindustrialisation de la France, une route encore longue et semée d’embûches Le défi des territoires délaissés En Europe, le désarroi des territoires délaissés Sur l’île d’Amorgos, en Grèce, loin d’Athènes et de Bruxelles, les habitants se sentent abandonnés à leur sort L’agriculture tient toujours une place à part au sein de l’Union européenne Le défi énergétique Sevrée du gaz russe, l’Europe dans le piège de l’énergie chère L’Italie se rêve en « hub énergétique » méditerranéen Virginie Malingre (Bruxelles, bureau européen) et Adrien Pécout NOS LECTEURS ONT LU ENSUITE La scabreuse fausse histoire espagnole du bordel de Ravensbrück Aujourd’hui à 04h00 Gouvernement : tensions sur le cas de Prisca Thevenot, après une série de démissions Aujourd’hui à 06h48 Finances publiques : « Un mystérieux trou de 21 milliards d’euros dans la caisse » Aujourd’hui à 13h00 Rudy Gobert n’est plus candidat pour devenir porte-drapeau de la délégation française des JO de Paris 2024 Aujourd’hui à 13h15 L’Italie se rêve en « hub énergétique » méditerranéen Aujourd’hui à 06h00 L’Iran dit avoir imposé des sanctions aux Etats-Unis et au Royaume-Uni pour leur soutien à Israël Aujourd’hui à 13h31 CONTRIBUTIONS Bienvenue dans l’espace des contributions Pour améliorer la qualité des échanges sous nos articles, ainsi que votre expérience de contribution, nous vous invitons à consulter nos règles d’utilisation. 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