~~NOTOC~~ @DATE@ ---- ====== [Le Monde – De la guerre de Gaza aux bombes d’Odessa : le calvaire de familles ukrainiennes évacuées de l’enclave palestienne]( ====== [Le Monde – De la guerre de Gaza aux bombes d’Odessa : le calvaire de familles ukrainiennes évacuées de l’enclave palestienne](https://www.lemonde.fr/international/article/2024/05/10/de-gaza-a-odessa-d-une-guerre-a-l-autre_6232429_3210.html?lmd_medium=al&lmd_campaign=envoye-par-appli&lmd_creation=android&lmd_source=default ) Vous pouvez partager un article en cliquant sur l’icône de partage en bas à droite de celui-ci. La reproduction totale ou partielle d’un article, sans l’autorisation écrite et préalable du Monde, est strictement interdite. Pour plus d’informations, consultez nos conditions générales de vente. Pour toute demande d’autorisation, contactez syndication@lemonde.fr. En tant qu’abonné, vous pouvez offrir jusqu’à cinq articles par mois à l’un de vos proches grâce à la fonctionnalité « Offrir un article ». https://www.lemonde.fr/international/article/2024/05/10/de-gaza-a-odessa-d-une-guerre-a-l-autre_6232429_3210.html LAURENT VAN DER STOCKT POUR « LE MONDE » De la guerre de Gaza aux bombes d’Odessa : le calvaire de familles ukrainiennes évacuées de l’enclave palestienne Par Thomas d’Istria (Kiev, Odessa, envoyé spécial) et Clothilde Mraffko Par Thomas d’Istria (Kiev, Odessa, envoyé spécial) et Clothilde Mraffko Par Thomas d’Istria (Kiev, Odessa, envoyé spécial) et Clothilde Mraffko Aujourd’hui à 05h30, modifié à 10h12 Article réservé aux abonnés Offrir REPORTAGE Plus de trois cents personnes originaires d’Ukraine ont été évacuées de l’enclave palestinienne. Parmi elles, un groupe de femmes et leurs enfants ont trouvé refuge dans la grande ville portuaire ukrainienne, elle aussi soumise à des bombardements. Lecture 6 min Une petite tour Eiffel et quatre figurines souriantes représentant une famille. C’est à peu près tout ce que Tamara Abu Auda, 25 ans, a pu emporter dans sa fuite de la ville de Gaza. Les souvenirs reposent désormais sur l’appui de la fenêtre de sa chambre donnant sur une cour entourée de bâtiments gris, à Odessa, en Ukraine. Situé dans la périphérie pauvre de la ville portuaire, l’immeuble reconverti en centre social n’accueillait jusque-là que des exilés intérieurs originaires des territoires occupés par l’armée russe. Depuis quelques mois, un étage entier a été réservé à trente-deux femmes et enfants arrivés de Gaza, fuyant une autre guerre que celle qui ravage l’Ukraine depuis plus de deux ans. Tamara Abu Auda, 25 ans, avec sa mère, Tatiana Abu Auda, 49 ans, à Odessa (Ukraine), le 26 avril 2024. LAURENT VAN DER STOCKT POUR « LE MONDE » A Odessa (Ukraine), le 26 avril 2024. LAURENT VAN DER STOCKT POUR « LE MONDE » Tamara Abu Auda et ses deux enfants de 5 et 7 ans, Tala et Ayham, font partie de la cinquantaine de ressortissants ukrainiens à avoir été évacués de la bande de Gaza, dans les premiers jours du mois du mars. « Nous avons traversé beaucoup d’épreuves, lâche la grand-mère, Tatiana Abu Auda, 49 ans, et il nous est difficile de reprendre goût à la vie. Une partie de la famille est ici, l’autre est restée là-bas. Nous ne savons pas ce que nous réserve l’avenir. » Ce 26 avril est une journée calme à Odessa, une exception tant les bombardements russes sur la ville sont réguliers. Les enfants jouent et crient dans la cour ensoleillée de l’immeuble qu’ils occupent. Au 5e étage, depuis la chambre qu’elle partage avec Tamara, Tala et Ayham, Tatiana Abu Auda jette un regard attendri sur l’extérieur. « Les enfants peinent à trouver le sommeil après tout ce qu’ils ont traversé. » Cela faisait plus de quatorze ans que cette femme originaire de la ville de Melitopol, désormais contrôlée par l’armée russe, n’était pas venue dans son pays de naissance. Depuis 1998, sa vie se déroulait dans la bande de Gaza. Comme des centaines d’autres femmes qui composaient la communauté ukrainienne de l’enclave (1 500 personnes ces dernières années, selon le site de la représentation diplomatique de Palestine en Ukraine), Tatiana avait décidé de s’y installer par amour. En 1992, alors qu’elle étudiait à l’université d’agronomie de Kharkiv, grande ville de l’est du pays, elle y avait fait la rencontre de Nadil, 55 ans aujourd’hui, un Palestinien venu comme d’autres se former dans la toute jeune Ukraine indépendante. Dispersion de la communauté En 1998, ils ont rejoint la ville de Gaza, où ils ont eu quatre filles : Tamara, Diana, Nadia et Nour. « Nous étions heureux », dit simplement Tatiana. Nadil travaillait dans une compagnie d’électricité. Les deux filles plus âgées se sont à leur tour mariées. Les deux plus jeunes rêvaient de devenir chanteuse pour l’une, photographe pour l’autre. Le Monde Application La Matinale du Monde Chaque matin, retrouvez notre sélection de 20 articles à ne pas manquer Télécharger l’application Dans la ville de Gaza, « nous étions toutes amies les unes avec les autres », raconte aussi Irina Kharara, le visage triste et abattu entouré d’un foulard noir. Mère de cinq enfants, elle aussi a rencontré son époux, Saïd, alors que ce dernier étudiait à Kharkiv, au début des années 1990. A Gaza, le couple possédait un petit magasin de vente d’accessoires pour téléphones dans le centre-ville. Les femmes d’Ukraine tenaient à perpétuer certaines traditions de leur pays. Elles enseignaient les langues russes et ukrainiennes à leurs enfants et les coutumes, avec des ateliers de danse et de chants. Les enfants de femmes ayant quitté Gaza grâce à leur nationalité ukrainienne sont hébergés dans un centre social de la périphérie d’Odessa depuis le 12 mars. A Odessa, en Ukraine, le 26 avril 2024. LAURENT VAN DER STOCKT POUR « LE MONDE » Lorsque les bombardements israéliens ont commencé en représailles à l’attaque du Hamas, le 7 octobre 2023, « on s’est demandé le premier jour s’il fallait emmener les enfants à l’école et aller au travail », se souvient Tatiana Abu Auda qui, à l’instar des autres, a vécu les précédentes guerres et opérations militaires israéliennes dans l’enclave. « Nous n’avons rien à voir avec la politique, et à chaque fois, nous nous en sortions, reprend Irina Kharara. Mais cette fois-ci, nous avons vite compris que ce serait différent. » Les familles ont dû évacuer dans le chaos. La communauté s’est dispersée. Irina Abu Auda et les siens ont passé les premières semaines dans le nord de la bande de Gaza avant de se diriger à partir du mois de novembre vers le Sud, du côté de la frontière égyptienne. A Rafah, elle et ses filles ont vécu sous une tente pendant plus de quatre mois. Les hommes ne peuvent évacuer Yasmin Al-Jarot, 28 ans, fille d’un mariage mixte entre une Ukrainienne et un Palestinien, se souvient de ses mois d’errance avec son mari, Kamar, ses deux enfants, et sa toute petite fille alors âgée d’à peine 2 semaines. « C’était un cauchemar », répète-t-elle en russe. Irina Kharara, elle, a perdu son mari, Saïd, et l’un de ses fils, Khalil, dans un bombardement israélien. Un autre, Zakaria, étudiant en informatique, a aussi été blessé, son bassin fracturé et sa peau gravement brûlée. Il se trouve toujours dans un hôpital de l’enclave. Ces Ukrainiennes ont pu partir grâce à leur nationalité dont bénéficient automatiquement les enfants. Dans la bande de Gaza, Tatiana Abu Auda et les autres communiquaient avec un représentant du consulat ukrainien à Ramallah et se tenaient au courant via une chaîne sur l’application WhatsApp. Irina Kharara (à gauche) a perdu son mari et son fils dans les bombardements israéliens. Son deuxième fils, blessé, est toujours dans un hôpital de Gaza. LAURENT VAN DER STOCKT POUR « LE MONDE » Une photo de Tatiana sur son téléphone où on la voit couverte d’un drapeau ukrainien pour courir entre des immeubles à Gaza. LAURENT VAN DER STOCKT POUR « LE MONDE » Lorsqu’elles ont enfin appris qu’elles seraient évacuées, elles ont aussi compris que leurs maris palestiniens ne le seraient pas. Certaines, comme Diana, l’une des filles de Tatiana Abu Auda, ont refusé de quitter Gaza. « Il y a eu beaucoup de larmes, raconte sa mère. Les hommes disaient à leurs épouses qu’il fallait d’abord penser aux petits, que l’essentiel était qu’ils survivent. » Après un court répit de quelques jours dans un hôtel égyptien, le groupe a été envoyé à Chisinau, en Moldavie. Là-bas, les chemins se sont de nouveau séparés, entre les femmes qui ont rejoint leurs familles ukrainiennes réfugiées en Europe depuis le début de l’invasion russe, et les autres, une trentaine, qui ont rejoint Odessa faute d’alternative. Aucune ne commente l’agression russe en cours contre l’Ukraine depuis plus de deux ans. Bombardements quasi quotidiens « Nous sommes passées d’une guerre à une autre », soupire simplement Yasmin Al-Jarot dans la cuisine de l’immeuble, sa petite fille désormais âgée de 7 mois dans les bras. « Mais c’est mieux ici que là-bas », affirme-t-elle. « Là-bas », dans la bande de Gaza où se trouvent toujours son mari et son frère, « c’est l’horreur », souffle-t-elle, en évoquant l’intensité des bombardements et le blocus israéliens, le manque d’eau, de nourriture… « Les gens ne peuvent pas vivre », abonde Irina Kharara. Yasmin Al-Jarot et ses enfants, Fatima, Kaled et Eleen, à Odessa (Ukraine), le 26 avril 2024. LAURENT VAN DER STOCKT POUR « LE MONDE » Tala, 7 ans, a quitté Gaza grâce à sa nationalité ukrainienne. Elle est hébergée avec sa mère, son frère et sa grand-mère dans un centre social de la périphérie d’Odessa depuis le 12 mars. A Odessa (Ukraine), le 26 avril 2024. LAURENT VAN DER STOCKT POUR « LE MONDE » Toutes partagent le sentiment d’être plus ou moins en sécurité à Odessa, malgré les bombardements quasi quotidiens, russes cette fois, qui s’abattent sur la ville. Lorsque la sirène d’alerte retentit, elles rejoignent avec leurs enfants le couloir central de l’immeuble, le minimum à faire pour se protéger. Les plus jeunes peinent à s’endormir à cause de l’absence de leurs pères et du bruit des explosions qui ravivent le souvenir des bombardements sur Gaza. Les réfugiées ukrainiennes ne se sont rendues qu’une seule fois dans le centre-ville historique de la majestueuse ville de la mer Noire. Les contacts avec les habitants locaux se limitent au gardien du centre social, Oleh, et aux autres réfugiés venus des territoires occupés par l’armée russe. Le plus dur, disent-elles, n’est pas tant de vivre dans un autre pays en guerre que d’être séparées de leurs proches restés dans la bande de Gaza. « Nous sommes constamment angoissées, car nous savons qu’ils peuvent mourir à tout instant », souffle Irina Kharara. Comme toutes les autres, elle passe ses journées à désespérer de ne pas avoir de nouvelles de son fils blessé et de sa fille, coincée dans l’attente de ses documents. Vie entre parenthèses Dans la cuisine, Yasmin Al-Jarot éclate en sanglots lorsqu’elle évoque son mari et son frère restés à Rafah. Deux autres jeunes femmes se lèvent et quittent la pièce discrètement afin de cacher leurs larmes. « Mes enfants pleurent tous les jours et me demandent quand leur père va rentrer, dit Yasmin. C’est tellement dur de devoir rester forte. » Samar Sharaf (deuxième en partant de la gauche) et ses amies, des jeunes filles qui ont quitté Gaza grâce à leur nationalité ukrainienne, se retrouvent dans la cuisine du centre social, à Odessa (Ukraine), le 26 avril 2024. LAURENT VAN DER STOCKT POUR « LE MONDE » Samar Sharaf, 19 ans, montre les personnages qu’elle a dessinés avec sa sœur dans un carnet alors qu’elle fuyait la bande assiégée. Née à Kiev, la jeune fille habitait à Gaza depuis l’âge de 6 ans. Suffisamment pour se sentir chez elle. « Ma famille est là-bas, mes amis sont là-bas, ma vie est là-bas », crie-t-elle presque. Elle tente tous les jours d’avoir des nouvelles de ses proches restés dans l’enclave. Parfois, quand ils ont du réseau, ces derniers lui demandent de lui envoyer des photos d’Odessa. Lire l’analyse Ukraine, Gaza : la politique étrangère de Joe Biden empêtrée dans ses contradictions Cette vie entre parenthèses, bloquée entre deux guerres, les empêche de penser à l’avenir. Mais la grande majorité rêve de pouvoir un jour retourner à Gaza. « Tout dépendra de ce qu’il passera ici et là-bas », estime Samar Sharaf en évoquant son futur. « Les guerres commencent pour des raisons différentes et se terminent toujours de la même manière, dit doucement Tatiana Abu Auda. Avec des larmes, des morts, des familles et des destins brisés. » Après trois évacuations organisées en novembre et décembre 2023, puis mars de cette année, l’ambassade ukrainienne de Tel-Aviv indique avoir fait sortir 363 personnes, dont 141 femmes, 135 enfants et 87 hommes. « L’Ukraine, comme les autres pays, n’a pu évacuer que les personnes approuvées par les autorités compétentes en Israël et en Egypte, nous n’allons pas spéculer sur les raisons de ces refus », commente l’ambassade. Quatre-vingt-dix personnes seraient toujours en attente de partir. Lire aussi Le pape François appelle à un cessez-le-feu à Gaza et à « un échange général de tous les prisonniers entre la Russie et l’Ukraine » Thomas d’Istria (Kiev, Odessa, envoyé spécial) et Clothilde Mraffko NOS LECTEURS ONT LU ENSUITE Au procès de Donald Trump, Stormy Daniels stoïque dans la tempête du contre-interrogatoire Aujourd’hui à 05h45 Le calvaire des élèves officières à Saint-Cyr Aujourd’hui à 09h03 Eurovision 2024 : en Belgique, la demi-finale interrompue à la télévision, en raison de la participation israélienne Aujourd’hui à 09h07 #metoo des armées : les soldates témoignent de violences sexuelles, la Grande Muette esquive Aujourd’hui à 05h13 Quand l’Allemagne tourne le dos au « made in Germany » Aujourd’hui à 05h30 L’Eurovision en Suède, au milieu des manifestations en soutien au peuple palestinien ou à Israël Aujourd’hui à 07h58 CONTRIBUTIONS Bienvenue dans l’espace des contributions Pour améliorer la qualité des échanges sous nos articles, ainsi que votre expérience de contribution, nous vous invitons à consulter nos règles d’utilisation. 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