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====== En Inde, le culte de Modi, principal argument de la campagne du BJP. Le Parti du peuple indien espère remporter pour la troisième fois d’affilée les législatives, qui prendront fin le 1ᵉʳ juin. S’appuyant sur la popularité du premier ministre et la haine antimusulmane pour séduire les électeurs, il reste très évasif quant à son programme. ======
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En Inde, le culte de Modi, principal argument de la campagne du BJP
Le Parti du peuple indien espère remporter pour la troisième fois d’affilée les législatives, qui prendront fin le 1ᵉʳ juin. S’appuyant sur la popularité du premier ministre et la haine antimusulmane pour séduire les électeurs, il reste très évasif quant à son programme.
Par Sophie Landrin (New Delhi, correspondante)
Par Sophie Landrin (New Delhi, correspondante)
Par Sophie Landrin (New Delhi, correspondante)
Aujourd’hui à 17h38, modifié à 20h38
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Le premier ministre indien, Narendra Modi (en arrière-plan), lors d’un événement de campagne à Varanasi (Inde), le 13 mai 2024. ADNAN ABIDI / REUTERS
Il a déployé le grand jeu, pour montrer qu’il est le plus populaire, mais aussi le plus dévot des hindous. Parade en voiture sur 6 kilomètres sous une pluie de pétales de fleurs, cérémonie religieuse dans un temple dédié au dieu Shiva, très vénéré des hindous, immersion dans le Gange… Narendra Modi a conclu, lundi 13 mai, dans la ville sainte de Bénarès (Varanasi), sa circonscription, la quatrième des six phases de vote des élections législatives. Le marathon électoral doit s’achever le 1er juin, pour des résultats attendus le 4 juin.
La grande majorité des votes, qui ont déjà eu lieu dans les principales circonscriptions, sont enregistrés dans les machines électroniques et, même si les sondages se sont arrêtés le temps du scrutin, l’atmosphère a changé depuis les premiers jours de la campagne, où la victoire de Modi semblait inévitable.
Le premier ministre, 73 ans, qui espère conquérir un troisième mandat d’affilée, a personnalisé à l’extrême ces élections générales. Le Parti du peuple indien (BJP, au pouvoir) a quasi disparu du paysage de la campagne indienne. Il ne reste qu’une seule figure, celle du premier ministre, qui monopolise les estrades et l’attention des médias. Il tient chaque soir un meeting dans les circonscriptions en lice. Tout juste émergent encore en arrière-plan deux personnages symboliques de l’extrême droite, le ministre de l’intérieur, Amit Shah, et le chef de gouvernement de l’Uttar Pradesh, moine fondamentaliste, Yogi Adityanath. Même le manifeste du BJP porte son nom : « Les garanties de Modi ».
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Pourtant, après quatre semaines de battage, la confiance du camp au pouvoir s’est étiolée. Le climat est fort différent de ceux de 2014 et de 2019, quand le BJP et son dirigeant écrasaient tout sur leur passage, portés par une immense vague de soutien, la moditva ou « modimania », face à une opposition divisée et affaiblie. « Modi reste populaire, grâce au culte de la personnalité qu’il a laborieusement construit. Mais les candidats de son parti sont accueillis avec apathie, voire dédain », note Shashi Tharoor, l’un des chefs de file du Parti du Congrès, dans une tribune largement diffusée dans la presse.
« Une absence totale d’idées nouvelles »
Contrairement aux deux précédents scrutins, l’opposition affiche un front uni et réussit à tirer parti des frustrations de la population en difficulté face au chômage de masse et à l’inflation. Surtout, le BJP n’a pas réussi à se renouveler sur le plan programmatique, et son manifeste s’apparente plus à un bilan qu’à un programme. « La campagne du BJP montre une absence totale d’idées nouvelles. Lors des précédents scrutins, le parti était en mesure de définir l’agenda, d’imposer ses thèmes, le tempo. Cette fois, il n’a aucune proposition forte, et Modi, pour mobiliser son électorat, est contraint de puiser dans une rhétorique antimusulmane qui correspond évidemment à l’ADN des nationalistes hindous, mais qui montre aussi une certaine fébrilité », confie Gilles Verniers, professeur de sciences politiques à Amherst College (Massachusetts).
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Le premier ministre, qui avait toujours fait preuve de prudence dans ses paroles à l’égard des musulmans, ne retient plus ses attaques contre ces 200 millions d’Indiens. Ceux-ci sont présentés comme un danger pour les hindous en raison de leur fertilité présumée : le « djihad démographique » fait partie des vieux mythes des nationalistes hindous. M. Modi assure que, en cas de victoire de l’opposition, « des cadenas seraient posés sur le temple de Ram » à Ayodhya, ou encore que « seuls des musulmans seront sélectionnés pour jouer dans l’équipe indienne de cricket ». Cette stratégie de la peur est appuyée par le ministre de l’intérieur, Amit Shah, qui prédit l’instauration de la charia en Inde si le BJP est battu. Yogi Adityanath, lui, prédit l’« abattage des vaches par les musulmans » si l’opposition l’emporte. Le BJP a fait diffuser sur les réseaux sociaux des vidéos abjectes représentant notamment Rahul Gandhi, l’un des responsables du Congrès, donnant des fonds à un oiseau portant une calotte islamique, et poussant hors du nid trois oiseaux représentant d’autres groupes défavorisés.
« On ne sait pas encore si le BJP est vraiment ébranlé ou s’il revient simplement à son véritable ADN de division, mais ce qui est évident, c’est l’excès, d’une bizarrerie croissante, dans l’art oratoire de Modi. Son ton est plus conspirateur, l’apitoiement sur soi et le sentiment d’être une victime sont plus prononcés, et tout cela culmine avec l’invocation désormais familière de la peur et de l’effroi », observait l’éditorialiste du site d’information Frontline, Vaishna Roy, le 2 mai.
En 2014, Narendra Modi avait été porté au pouvoir sur la promesse d’en finir avec la corruption et de développer l’économie. En 2019, il avait gagné sur le thème de la protection des pauvres et de la sécurité nationale, aidé par l’attentat de Pulwama commis par des terroristes pakistanais contre des soldats indiens. En 2024, l’homme fort de l’Inde s’est mué en chef religieux. Il a tout misé sur l’inauguration du temple hindou d’Ayodhya, le 22 janvier, pour conquérir une nouvelle fois le cœur des hindous, très largement majoritaires – environ 80 % de la population.
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A la veille de la quatrième phase du scrutin, il est retourné dans ce temple, s’allongeant de tout son long sur le sol, en position de prière, devant la statue de Ram. Mais l’édifice promis depuis un siècle aux hindous ne suffira pas pour compenser la détresse économique et sociale dans laquelle est plongée une partie de la population : les paysans, les jeunes sans travail, la classe moyenne inférieure, les pauvres qui se sont appauvris depuis 2016, date de la démonétisation des billets de 500 et de 1 000 roupies. « Ils ont aussi subi la crise due au Covid-19, la crise agricole et la hausse des prix, et ils sont sensibles au discours de l’opposition sur l’emploi et les revenus », note Gilles Verniers. Rahul Gandhi a annoncé que son parti effacerait la dette des agriculteurs en cas de victoire, une demande récurrente de la part de ceux qui protestent, au Pendjab et en Haryana, depuis février.
« Un combat entre deux idéologies »
L’opposition affuble Modi de l’image de premier ministre des riches, ami et allié d’Adani et Ambani, les deux magnats qui gravitent autour du pouvoir. La concentration des richesses s’est considérablement amplifiée, comme les inégalités, sous ses deux mandats. Selon la société Marcellus Investment Managers, 70 % des profits des entreprises sont concentrés dans vingt groupes. Une autre étude, du World Inequality Lab, indique que 1 % des plus riches Indiens détiennent 40 % de la richesse nationale totale. « Aujourd’hui, c’est un combat entre deux idéologies, dans le pays. D’un côté, il y a les partis qui luttent en faveur des pauvres, d’un autre, il y a ceux qui se rangent du côté des riches », a résumé le président en titre du parti du Congrès, Mallikarjun Kharge.
Un signe inquiète le pouvoir : la diminution du taux de participation lors des quatre premières phases du vote. Le BJP a tenté d’incriminer la vague de chaleur qui sévit sur le pays, mais l’explication convainc seulement partiellement. Une partie des mécontents affirment d’ailleurs qu’ils vont se déplacer et voter « nota », un bulletin abstention.
Narendra Modi a sans doute péché par excès d’hubris en demandant aux Indiens un plébiscite, 400 sièges, le seuil nécessaire pour modifier la Constitution. L’opposition a immédiatement brandi cette menace pour mobiliser les dalits, les Indiens situés tout en bas de la hiérarchie sociale, particulièrement attachés à la Constitution. Il s’agit pour eux d’un texte sacré, écrit par Babasaheb Ambedkar (1891-1956), lui-même dalit, qui affirme le principe d’égalité des citoyens et interdit la discrimination fondée sur le genre, la religion, la race et la caste. L’argument a fait également mouche auprès des musulmans, pour qui une troisième victoire de Modi signifierait peut-être la perte de leurs droits.
Le premier ministre sortant a aussi commis l’imprudence de faire arrêter un de ses principaux opposants, Arvind Kejriwal, le chef de gouvernement de Delhi, juste avant le début de la campagne. La Cour suprême lui a infligé, le 10 mai, un camouflet, en ordonnant, après cinquante et un jours d’emprisonnement, qu’il soit libéré jusqu’au 1er juin, afin d’assurer des « conditions de concurrence équitable ». Le dirigeant du Parti de l’homme ordinaire avait été arrêté dans le cadre d’une supposée affaire de corruption, destinée surtout à couper les jambes de l’opposition. Depuis sa sortie de prison, cet homme à la petite moustache dénonce haut et fort la « dictature » de Modi, et prédit la défaite du BJP. Des milliers de partisans l’ont accueilli dans la capitale indienne. « Modi a sous-estimé la popularité de Kejriwal. En l’arrêtant, il l’a installé dans un rôle national et en a fait un martyr », poursuit Gilles Verniers.
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Le BJP a-t-il mesuré les difficultés ? A Bénarès, Narendra Modi a tenté de corriger sa rhétorique islamophobe, assurant, sans convaincre, n’avoir jamais voulu diviser hindous et musulmans. Sur les plateaux de télévision des godi medias, sobriquet donné aux chaînes acquises au pouvoir, les journalistes assurent que, sur le terrain, ils n’ont pas entendu de « colère contre le gouvernement », « juste de l’angoisse ».
Sophie Landrin (New Delhi, correspondante)
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