~~NOTOC~~ @DATE@ ====== Le Monde – A Hénin-Beaumont, Jordan Bardella contre-attaque au lendemain de son débat avec Gabriel Attal ====== ---- {{https://www.lemonde.fr/politique/article/2024/05/25/a-henin-beaumont-jordan-bardella-contre-attaque-au-lendemain-de-son-debat-avec-gabriel-attal_6235348_823448.html?lmd_medium=al&lmd_campaign=envoye-par-appli&lmd_creation=android&lmd_source=default|Le Monde – A Hénin-Beaumont, Jordan Bardella contre-attaque au lendemain de son débat avec Gabriel Attal}} POLITIQUE A Hénin-Beaumont, Jordan Bardella contre-attaque au lendemain de son débat avec Gabriel Attal Le président du Rassemblement national était en meeting, vendredi, dans la ville du Pas-de-Calais, vitrine municipale du parti. Pendant ce temps-là, des féministes ont tenté un contre-rassemblement, réunissant plusieurs personnalités de gauche, dont la cheffe des Ecologistes, Marine Tondelier. Par Clément Guillou (envoyé spécial à Hénin-Beaumont, Pas-de-Calais) Par Clément Guillou (envoyé spécial à Hénin-Beaumont, Pas-de-Calais) Par Clément Guillou (envoyé spécial à Hénin-Beaumont, Pas-de-Calais) Article réservé aux abonnés Marine Le Pen et Jordan Bardella, lors du meeting de campagne de ce dernier à Hénin-Beaumont (Pas-de-Calais), le 24 mai 2024. Marine Le Pen et Jordan Bardella, lors du meeting de campagne de ce dernier à Hénin-Beaumont (Pas-de-Calais), le 24 mai 2024. FRANCOIS LO PRESTI / AFP Jordan Bardella est venu à Hénin-Beaumont (Pas-de-Calais), et ce n’était pas, comme il l’avait promis au maire lepéniste de la commune il y a deux ans, pour « rouler en char Leclerc sur sa mairie de merde ». Les choses ne vont pas mieux entre Steeve Briois, proche de Marine Le Pen et édile de la vitrine municipale de l’extrême droite, et le président du Rassemblement national (RN), tête de liste de son parti aux élections européennes du 9 juin. Mais la campagne de Jordan Bardella ne pouvait pas faire l’impasse sur ce qu’il appelle « l’un des bastions de la résistance française ». Il a eu des mots pleins de miel pour le maire, qui, de son côté, l’a accueilli ainsi : « Nous allons arriver au pouvoir, et ce sera sur une ligne sociale et populaire, de rassemblement de gens de droite et de gauche, car c’est la ligne que défend Marine Le Pen. » Bon. L’ambiance est meilleure dans les deux salles de l’espace François-Mitterrand d’Hénin-Beaumont – la première, d’une capacité de 2 500 personnes, n’a pas suffi à accueillir les sympathisants. Les pâquerettes de la zone pavillonnaire en face, à l’ombre du majestueux terril 92, trépassent sous les voitures immatriculées 59 (Nord) et 62 (Pas-de-Calais). Le débat de la veille entre Jordan Bardella et Gabriel Attal n’a pas démoralisé les troupes, loin de là. Ici, on a retenu l’attitude « moqueuse » du premier ministre et son sourire « narquois ». « C’est ce qui me dérange chez lui, comme chez Macron qui se prend pour un Dieu. Son attitude montre qu’ils ont peur, qu’ils savent qu’ils vont prendre une rouste », juge Stéphanie, infirmière de 49 ans. En 2017, la personnalité du président de la République l’avait convaincue de voter Marine Le Pen pour la première fois. D’autres ont moins remarqué le sourire de Gabriel Attal que les difficultés de leur champion, comme Enzo, un jeune Lillois qui a regardé le débat entre militants : « On l’a trouvé un peu mou, il n’arrivait pas à en placer une. » Même le député (RN) du Pas-de-Calais Thierry Frappé convient qu’il y eut « des hauts et des bas et qu’[il] attendait plus », mais il a trouvé Jordan Bardella supérieur sur le nucléaire et l’immigration. La ligne officielle est toutefois pleine d’autosatisfaction, les huiles lepénistes considérant que le premier ministre s’est, par son agressivité, davantage abîmé que son contradicteur. Gabriel Attal dans la ligne de mire Tout en feignant la plus grande tranquillité, le duo d’extrême droite a pourtant ajouté le chef du gouvernement, jusqu’ici jamais dans la ligne de mire, à la liste de ses cibles de campagne. Sur scène, Marine Le Pen en veut aux observateurs qui ont donné le point au premier ministre. « Depuis vingt-quatre heures, la presse si neutre, si objective, nous raconte à quel point Gabriel Attal a brillé, émerveillant la France par son talent », commence-t-elle. Avant de citer un sondage, à la méthodologie obscure, concluant que les Français « exposés » au débat « ont accordé la victoire à Jordan Bardella ». La preuve, insiste-t-elle, de la déconnexion entre la presse et le pays. Le candidat lui succède et s’est débarrassé de la retenue qui l’entravait la veille : « J’ai fait face hier soir, essayant de défendre la vérité – ça n’a pas été simple – au premier menteur de France, Gabriel Attal ! » « Restez élégant », avait-il dit, la veille, au premier ministre qui l’accusait de mentir. Le débriefing du débat ne s’arrête pas là : « Contrairement à [la candidate Renaissance] Valérie Hayer qui ne sait plus où elle habite, Gabriel Attal est, lui, très agité, au point de ne pas pouvoir se contenir et de couper la parole toutes les treize secondes – j’ai compté. C’est assez conforme à la manière dont les macronistes considèrent la démocratie et le débat d’idées. » Et en terre lepéniste, comment se portent la démocratie et le débat d’idées ? En centre-ville d’Hénin-Beaumont, la dernière poche de résistance se retrouve sur la terrasse du bar La Belle Anglaise. L’organisation féministe « Ma voix, mon choix » tente une contre-programmation : un rassemblement pour mobiliser autour d’une initiative citoyenne européenne. Cette pétition vise à faire financer par l’Union européenne l’accès à l’avortement des habitantes qui en sont privées. Si elle réunit un million de signatures, le texte sera présenté à la Commission et au Parlement européens ; un tiers ont été recueillies en un mois. « On a fait une vingtaine de villes en France, détaille la militante féministe et conseillère de Paris, Alice Coffin. Partout, on a pu avoir des salles sans problème. Mais à Fréjus [Var], Moissac [Tarn-et-Garonne] et Hénin [trois villes dirigées par l’extrême droite] bizarrement, non. Ici, j’ai contacté un loueur d’une salle de 500 places, je lui expose le projet au téléphone, tout va bien. Le lendemain, j’ai eu un e-mail de sa part : désolé, la salle vient d’être louée. Je ne pensais pas voir cela en France. » L’élue précise ne pas avoir sollicité la mairie pour obtenir une salle. Toute-puissance de l’extrême droite dans la région Marine Tondelier a été moins surprise. La secrétaire nationale des Ecologistes est la dernière opposante à Steeve Briois à Hénin-Beaumont. Le maire (RN) a été réélu par trois votants sur quatre – mais avec 50 % d’abstention – en 2020 et mène une guerre quotidienne à son adversaire politique. « Le dernier corps social qui résiste, ici, c’est la paroisse », raconte Marine Tondelier. Le curé, Michel Delannoy, plaide pour un rapprochement avec ses « frères musulmans » et a passé sa vie au service de Dieu et des réfugiés. Le voilà dans la maison paroissiale d’une commune qui, en 2016, adoptait symboliquement une motion « Ma commune sans migrants ». Le rassemblement du jour portant sur l’accès à l’interruption volontaire de grossesse (IVG), il fut considéré plus sage de ne pas solliciter le prêt de la salle paroissiale. Les militants trinquent donc sous un barnum, sur le trottoir. L’orage n’est pas venu. Pas grand monde n’est venu, d’ailleurs : quelques dizaines de militants, malgré la présence de têtes d’affiche de la Nouvelle Union populaire, écologique et sociale – outre Marine Tondelier, on croise la députée « insoumise » de Seine-Saint-Denis Raquel Garrido et le socialiste Pierre Jouvet, troisième de la liste de Raphaël Glucksmann pour les européennes. Face à la toute-puissance de l’extrême droite dans la région, les contre-meetings sont devenus denrée rare. « Ça ne se fait plus, et c’est pour ça que je suis venue aujourd’hui, observe Raquel Garrido. Il faut faire attention à ce que l’esprit de fatalité ne s’installe pas dans la société. » Le patron du bar, Fabrice Guillaumet, se dit « apolitique ». Son troquet est le dernier repaire d’opposants mais il reçoit aussi l’équipe du maire : « En tant que municipalité, ils font le job, ils se tiennent à carreaux. » Lorsqu’il sort de la salle de sport en face, Steeve Briois vient désormais boire un verre en terrasse. Hormis un char Leclerc conduit par Jordan Bardella, on ne voit pas bien qui le délogera de la mairie d’Hénin-Beaumont. Clément Guillou (envoyé spécial à Hénin-Beaumont, Pas-de-Calais)