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====== Vladimir Poutine en Chine pour tester une amitié « sans limites » Le président russe est en visite jeudi et vendredi en Chine. Il devrait notamment se rendre dans un institut de technologie placé sous sanctions américaines. ======
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INTERNATIONAL
Vladimir Poutine en Chine pour tester une amitié « sans limites »
Le président russe est en visite jeudi et vendredi en Chine. Il devrait notamment se rendre dans un institut de technologie placé sous sanctions américaines.
Par Harold Thibault (Pékin, correspondant) et Benoît Vitkine (Moscou, correspondant)
Par Harold Thibault (Pékin, correspondant) et Benoît Vitkine (Moscou, correspondant)
Par Harold Thibault (Pékin, correspondant) et Benoît Vitkine (Moscou, correspondant)
Aujourd’hui à 05h00, modifié à 08h06
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Le président chinois, Xi Jinping, et le président russe, Vladimir Poutine, lors d’un dîner au Palais des Facettes, un bâtiment du Kremlin, à Moscou, le 21 mars 2023. PAVEL BYRKIN / AP
Pour son premier voyage à l’étranger depuis son investiture à un cinquième mandat au Kremlin, Vladimir Poutine est en Chine, jeudi 16 et vendredi 17 mai, un déplacement particulièrement scruté. Cette visite d’Etat répond au voyage effectué à Moscou par le président chinois, Xi Jinping, en mars 2023 et se tient l’année du 75e anniversaire de l’établissement des relations diplomatiques entre les deux pays. En plus de Pékin, M. Poutine se rendra à Harbin, dans le Heilongjiang, dans le nord-est de la Chine.
Malgré le caractère presque routinier des rencontres entre les présidents russe et chinois – ils se voient au moins trois fois par an dans des cadres multilatéraux (sommets du G20, des BRICS et de l’Organisation de coopération de Shanghaï) –, ce déplacement revêt un caractère particulier. Pour la partie russe, il s’agira de tester les limites d’une amitié qui fut justement déclarée, en février 2022, vingt jours avant l’invasion de l’Ukraine, « sans limites ».
L’alignement toujours plus poussé entre les deux capitales est « l’une des conséquences géopolitiques les plus importantes de la guerre en Ukraine », écrivait, début avril, dans la revue Foreign Affairs, le spécialiste russe de la Chine Alexander Gabuev. De l’approfondissement ou non de cette relation pourrait dépendre non seulement le sort du conflit ukrainien, mais aussi la solidité de l’axe anti-occidental érigé entre Pékin et Moscou.
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Vladimir Poutine, qui aime, lors de ses déplacements, égrener les chiffres des échanges commerciaux pour prouver la vigueur des relations, pourra se rassurer en rappelant ceux entre son pays et la Chine. En 2023, ils ont atteint 240 milliards de dollars (221 milliards d’euros) – une hausse fulgurante par rapport aux 147 milliards de dollars de 2021, mais surtout un franchissement du cap des 200 milliards d’échanges dont MM. Xi et Poutine avaient fait un objectif, à l’horizon 2025.
Vassalisation de la Russie
Les secteurs clés de cette relation sont connus : matières premières et énergie pour l’essentiel côté russe ; biens manufacturés et industriels côté empire du Milieu. Les constructeurs chinois comptent désormais pour plus de la moitié du marché automobile russe. La Russie est quant à elle devenue le premier fournisseur de gaz – vendu au rabais – de la Chine.
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La tendance est d’autant plus lourde que le « pivot asiatique » de la Russie remonte à 2014, dans la foulée de l’annexion de la Crimée et des premières sanctions occidentales. L’intensification, à partir de 2022, est toutefois manifeste. Ce choix idéologique, véritable bras d’honneur adressé à l’Occident, s’est transformé pour Moscou en nécessité économique.
Non seulement la Russie s’est retrouvée peu à peu privée d’autres débouchés, en particulier pour ses exportations d’hydrocarbures, mais les entreprises chinoises sont désormais un acteur indispensable pour compenser ou contourner les nouvelles sanctions prises par les Occidentaux. A la mi-mars, le Moscow Times révélait la façon dont Pékin a permis de faire parvenir 580 millions d’équipements européens pour le gigantesque projet gazier Arctic LNG 2, dont la firme française TotalEnergies s’est mise en retrait.
L’immense écart qui s’est accru dans la relation bilatérale est désormais une donnée acceptée par Moscou, qui ne peut plus se permettre de chercher à équilibrer ses partenariats. Désormais, tout est lu au Kremlin à l’aune de cette relation, jusqu’au récent remaniement gouvernemental. Les personnalités dont l’influence s’est renforcée se trouvent aussi être les meilleurs connaisseurs de la Chine, à commencer par Denis Mantourov, ministre de l’industrie et du commerce, promu au rang de premier vice-premier ministre.
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La hâte de la partie russe à entériner le projet de gazoduc Force de Sibérie 2 en est une autre illustration. Selon les experts, ce projet très coûteux serait largement à l’avantage de la Chine, en position de dicter ses conditions. Pourtant, aucune avancée n’a été faite ces dernières années, au-delà des multiples déclarations d’intention.
Vladimir Poutine lui-même semble accepter comme un fait acquis une forme de vassalisation de la Russie. En témoignent ses références fréquentes – et nouvelles – à Alexandre Nevski, prince du XIIIe siècle qui a repoussé les attaques des chevaliers teutoniques, tout en acceptant sa soumission à l’Empire mongol… auquel appartenait alors la Chine. « La Horde, aussi arrogante et cruelle soit-elle, n’a jamais menacé notre plus grand trésor – notre langage, nos traditions, notre culture, autant de choses que les conquérants occidentaux voulaient éliminer », détaillait-il, en novembre 2023.
Ligne de la fourniture d’armes
Le président russe s’avance en position de demandeur, notamment sur la question des sanctions. Il l’a laissé entendre dans un entretien, diffusé mercredi 15 mai, par l’agence Chine nouvelle : « Nous rejetons les tentatives occidentales d’imposer un ordre basé sur les mensonges et l’hypocrisie, sur des règles mythifiées dont personne ne sait qui les a édictées. » Vladimir Poutine touche là une corde sensible, alors que Pékin cherche de plus en plus à se positionner en chef de file du Sud global.
« La façon de circonvenir les sanctions sera au centre de l’agenda », estime aussi M. Gabuev. La question est particulièrement sensible s’agissant des produits dits « à double usage », civil et militaire, utilisés par Moscou pour sa guerre en Ukraine. Sur le sujet, Pékin marche sur une ligne de crête. La Chine soutient publiquement Moscou, y compris en proposant un plan de paix taillé sur mesure pour satisfaire le Kremlin, et multiplie les manœuvres militaires conjointes. Mais elle n’a jamais approuvé l’annexion de morceaux du territoire ukrainien et se refuse à livrer du matériel létal à Moscou.
Pour autant, les Etats-Unis accusent l’industrie chinoise de fournir à la Russie des machines-outils utilisées dans la production de missiles balistiques, des propulseurs pour ses drones et des moteurs pour ses missiles de croisière, des composants optiques pour ses blindés et de la nitrocellulose pour l’explosif de ses munitions d’artillerie.
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Ces dernières semaines, le secrétaire d’Etat américain, Antony Blinken, le chancelier allemand, Olaf Scholz, ou le président français, Emmanuel Macron, ont chacun conjuré le chef de l’Etat chinois de cesser d’appuyer l’industrie de l’armement russe et de ne pas franchir la ligne de la fourniture d’armes, sans pour autant entraver les relations commerciales avec le premier exportateur de la planète.
La Chine montre qu’elle n’est pas totalement insensible à ces pressions, car le risque est réel. En ce printemps, certaines petites banques chinoises ont cessé de gérer les paiements de clients russes, tandis que les plus gros établissements mettent plus de temps à les traiter, après que la secrétaire au Trésor américaine, Janet Yellen, les a menacés de sanctions qui les couperaient de transactions en dollars, essentiels pour le commerce international.
Equation complexe côté chinois
Les observateurs ont aussi noté une baisse inattendue des exportations chinoises vers la Russie, aux mois de mars et avril (respectivement de 16 % et 13 % en variation annuelle), une première depuis le début de la guerre en Ukraine. Cette baisse, consignée dans les données des douanes russes, touche en particulier le secteur vital pour Moscou des machines et des équipements industriels. La réorientation d’une partie de ces flux vers des pays tiers, servant de plates-formes de réexportation vers la Russie, n’est toutefois pas à exclure. L’équation est complexe côté chinois : pas question de laisser tomber la Russie ; pas question pour autant de compromettre tout à fait les relations de Pékin avec les Occidentaux.
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A l’aune de ces deux sujets majeurs – sanctions et soutien à l’industrie de défense russe –, la visite programmée dans la capitale du Heilongjiang sera particulièrement scrutée. Le président russe se rendra notamment à l’Institut de technologie de Harbin (HIT). Cette étape sera doublement symbolique. L’institution a été fondée en 1920 dans cette ville alors foyer de population russe, pour former le personnel technique du chemin de fer de l’Est chinois, plus court que le Transsibérien, car traversant la Mandchourie. Après la fondation de la République populaire, le HIT sera l’un des lieux du partage du savoir-faire soviétique avec Pékin. Un campus commun a été lancé en 2020, signe du renouveau de la coopération.
Mais l’institut de Harbin est également un centre majeur de la recherche chinoise sur les missiles et l’aérospatial. En mai 2020, les Etats-Unis l’ont placé sous sanctions pour avoir tenté d’acquérir des composants américains pour le programme de missiles chinois, bloquant l’utilisation de logiciels avancés et de puces électroniques de toute dernière génération. A ce titre, la visite pourra donner l’image d’une convergence entre la guerre de Vladimir Poutine en Ukraine et celle que se mènent Chine et Etats-unis sur les technologies de pointe, et relancer dans le même temps les spéculations sur l’ampleur du soutien que Pékin est prêt à apporter à l’armée russe.
Rapprochement Pyongyang-Moscou
L’autre dossier qui pourrait être évoqué est celui de la Corée du Nord. La guerre en Ukraine a considérablement rapproché Pyongyang de Moscou, intéressé par les munitions nord-coréennes, probablement livrées par cargo du port de Rason vers ceux de l’Extrême-Orient russe. Cette ouverture russo-coréenne peut contribuer à extirper la République populaire démocratique de Corée de son isolement économique, ce que veut la Chine, et affaiblir le régime de sanctions conçu par l’ennemi commun américain.
Mais elle pourrait en retour galvaniser la Corée du Nord, au risque de nouvelles provocations, tirs de missiles ou essais nucléaires qui contribueraient au renforcement de la présence américaine en Asie du Nord, et elle éloigne la Corée du Nord de l’orbite chinoise. Une visite de M. Poutine dans ce pays, dans la foulée de son voyage chinois, est annoncée de longue date, mais les deux parties ne l’ont pas encore confirmée officiellement.
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Ce dossier, comme celui de l’Ukraine, est emblématique de la nouvelle relation sino-russe : convergence sur le désir d’affaiblir l’Occident, pas nécessairement sur les méthodes. « La Chine et la Russie partagent beaucoup d’éléments dans leur vision de ce que devrait être l’ordre international. Mais la Russie est en rupture avec les pays occidentaux, elle ne se soucie plus d’un lien avec eux. La Chine, elle, est dans une position différente : elle a toujours un intérêt important au maintien de son accès aux technologies, aux investissements et aux marchés occidentaux », constate Zhao Tong, chercheur sur la Chine et les questions stratégiques à la fondation Carnegie. Entre ces deux amis, l’objectif commun, rien de moins que redéfinir l’ordre mondial, est pour l’heure suffisamment fort pour taire les possibles désaccords.
Harold Thibault (Pékin, correspondant) et Benoît Vitkine (Moscou, correspondant)
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