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La prison, une institution vulnérable face au narcotrafic
L’attaque d’un fourgon transportant un détenu, au cours de laquelle deux agents ont été tués, mardi 14 mai, est venue de nouveau mettre en lumière les difficultés que rencontre l’administration pénitentiaire face aux trafiquants de drogue d’envergure lorsqu’ils sont incarcérés.
Par Thomas Saintourens
Par Thomas Saintourens
Par Thomas Saintourens
Aujourd’hui à 14h00
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Au péage d’Incarville (Eure), après l’attaque d’un fourgon pénitentiaire, le 14 mai 2024. ALAIN JOCARD / AFP
C’est une note de bas de page qu’un lecteur empressé pourrait survoler sans y prêter attention. Quatre lignes et demie, rien de plus, incluses au rapport de la commission d’enquête du Sénat sur le narcotrafic. En voici la teneur, dans son intégralité : « Dans une réponse écrite commune au questionnaire du rapporteur, la direction de l’administration pénitentiaire et le service national du renseignement pénitentiaire soulignent que le “risque d’évasion préméditée, en lien avec le réseau ou l’organisation auxquels [les détenus] appartiennent, ainsi que les moyens financiers dont ils disposent qui leur permettent de financer un tel projet et leur cavale” est réel et “s’accroît avec un quantum de peine élevée.” »
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Cette mise en garde, publiée mardi 14 mai peu avant 10 heures du matin, sonne comme un écho troublant à l’assaut ultraviolent du fourgon transportant le détenu Mohamed Amra, dit « la Mouche », deux heures plus tard, à un péage de l’Eure, libérant ce narcotrafiquant au prix de la vie de deux agents de la pénitentiaire.
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Au lendemain du drame, alors que la chasse à l’homme est enclenchée, et que chacun se questionne sur la localisation du gang en cavale, un autre débat est lancé : celui sur la vulnérabilité de l’institution pénitentiaire face au narcotrafic. Si l’évasion spectaculaire de Mohamed Amra met en lumière les motivations et les moyens sans limites des narcotrafiquants, d’autres événements récents alertent sur la fragilité de l’institution carcérale. Saisies multiples de drogue dans les prisons, fusillades commanditées depuis une cellule, affaires de corruption… Les magistrats spécialisés le rappellent : la prison n’est pas un « stop » dans une carrière de trafiquant, lequel peut trouver d’autres façons de poursuivre à distance ses activités.
« Conclure des alliances »
Cette prison qui « ne rompt plus les liens avec l’extérieur » est l’un des thèmes principaux du rapport sénatorial. Et plusieurs des cent cinquante-huit auditions menées en six mois donnent à comprendre les faiblesses chroniques de l’institution pénitentiaire face au crime organisé. « La détention ne met plus fin aux activités des têtes de réseau, qui, malgré un à dix mandats de dépôt criminel, continuent à commanditer des assassinats ou gèrent leurs points de deal comme si elles étaient à l’extérieur. La détention est prise comme un risque du métier », a ainsi souligné Isabelle Fort, procureure de la République adjointe près le tribunal judiciaire de Marseille en charge de la juridiction interrégionale spécialisée.
Pour le renseignement pénitentiaire, comprendre comment se remodèlent les dynamiques du narcotrafic derrière les barreaux relève du casse-tête. Interrogée lors d’une audition à huis clos, la cheffe du service national du renseignement pénitentiaire, Camille Hennetier, a souligné la « porosité » des gangs et « la reconstitution d’alliances mouvantes au sein des détentions ». Un moment où les chefs de réseau peuvent recruter des petites mains, mais aussi « conclure des alliances avec d’autres profils du haut du spectre en vue de préparer leur propre sortie de détention ».
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Tant Laure Beccuau, procureure de Paris, que Nicolas Bessone, procureur de Marseille, ont souligné les limites d’un système d’incarcération qui manque d’un véritable traitement spécifique pour les narcotrafiquants du haut du spectre. Actuellement, seuls les détenus particulièrement signalés sont soumis à un régime d’incarcération particulier. Les six critères requis pour attribuer ce classement – notamment les détenus appartenant à la criminalité organisée ou à une organisation terroriste, ou susceptibles de former un projet d’évasion – ne sont pas forcément utilisés pour certains malfaiteurs gravitant dans le milieu des trafics de stupéfiants, en dépit de leur dangerosité. Mohamed Amra n’était ainsi pas répertorié comme détenu particulièrement signalé. Son profil, volontiers qualifié d’« hybride », nécessitait pourtant une escorte de niveau trois, soit l’un des dispositifs les plus importants pour transférer un prisonnier.
« Complicités extérieures »
Au-delà de la vente de drogues (essentiellement du cannabis) à l’intérieur même des établissements pénitentiaires, souvent considérés comme des « trafics de fourmis » approvisionnés par projection, par drone ou par l’entremise de complices, c’est l’utilisation de smartphone, permettant de gérer les affaires à distance, qui pose un problème majeur. Actuellement, dix-neuf établissements sont équipés de dispositifs de brouilleurs fixes, tandis que trente-trois prisons sont définies comme étant « prioritaires » par la direction de l’administration pénitentiaire. Concernant la lutte antidrones, quarante et un sites sont aujourd’hui équipés d’un dispositif fonctionnel – avec un objectif de soixante d’ici à la fin de l’année.
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C’est dans ce contexte de prisons poreuses aux infiltrations criminelles que les risques d’évasion ont été évoqués conjointement par l’administration et le renseignement pénitentiaire, devant les sénateurs. L’évasion, ont-ils estimé, est rendue possible « par la surface financière dont disposent les trafiquants du haut du spectre, qui peuvent mobiliser des moyens financiers et des complicités extérieures pour parvenir à s’évader ». Dans le rapport publié deux heures avant le drame du péage de l’Eure, les sénateurs remarquaient encore qu’« aucune évasion “physique” spectaculaire d’un membre d’un réseau de narcotrafic n’est à date à déplorer ».
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D’autres types d’évasions, beaucoup moins spectaculaires, sont redoutés par les autorités judiciaires. En décembre 2023, deux agents du centre pénitentiaire de Meaux-Chauconin (Seine-et-Marne) étaient mis en examen pour avoir permis à des détenus, dont au moins l’un d’eux est considéré par la police comme un trafiquant d’envergure, de bénéficier de remise en liberté en omettant intentionnellement de transmettre dans les délais à la justice leurs demandes en ce sens.
Ces « évasions judiciaires », dénoncées, elles aussi, devant la commission du Sénat, interrogent sur les risques de corruption, ici encore permis par la surface financière de certains narcotrafiquants – ainsi que par leur pouvoir d’intimidation. Sollicitée par Le Monde à plusieurs reprises pour réagir à ces affaires récentes, la direction de l’administration pénitentiaire n’a pas fait de commentaire.
Thomas Saintourens
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