~~NOTOC~~ @DATE@ ---- ====== L’uranium du Niger au cœur de négociations clandestines avec l’Iran La junte au pouvoir à Niamey nie avoir conclu un accord avec Téhéran, qui souhaiterait lui acheter 300 tonnes de concentré d’uranium, du yellow cake issu des mines exploitées par le groupe français Orano à Arlit. ====== lemonde Vous pouvez partager un article en cliquant sur l’icône de partage en bas à droite de celui-ci. La reproduction totale ou partielle d’un article, sans l’autorisation écrite et préalable du Monde, est strictement interdite. Pour plus d’informations, consultez nos conditions générales de vente. Pour toute demande d’autorisation, contactez syndication@lemonde.fr. En tant qu’abonné, vous pouvez offrir jusqu’à cinq articles par mois à l’un de vos proches grâce à la fonctionnalité « Offrir un article ». lemonde LE MONDE AFRIQUE L’uranium du Niger au cœur de négociations clandestines avec l’Iran La junte au pouvoir à Niamey nie avoir conclu un accord avec Téhéran, qui souhaiterait lui acheter 300 tonnes de concentré d’uranium, du yellow cake issu des mines exploitées par le groupe français Orano à Arlit. Par Morgane Le Cam, Elise Vincent et Jacques Follorou Par Morgane Le Cam, Elise Vincent et Jacques Follorou Par Morgane Le Cam, Elise Vincent et Jacques Follorou Le 10 mai 2024 à 17h30, modifié le 11 mai 2024 à 08h54 Lecture 4 min Article réservé aux abonnés Offrir Mine d’uranium à ciel ouvert de la Somaïr, à Arlit (Niger), le 11 août 2023. FERRANDO/ANDIA.FR L’affaire est surveillée comme le lait sur le feu à Washington et à Paris. Comme l’a révélé le média en ligne Africa Intelligence, la junte au pouvoir au Niger depuis le coup d’Etat de juillet 2023 s’est engagée dans des « négociations confidentielles » avec l’Iran « pour la livraison de 300 tonnes de yellow cake » (concentré d’uranium). Une information confirmée au Monde par plusieurs sources officielles occidentales et nigériennes. Cet uranium, principal produit d’exportation du Niger, proviendrait des mines exploitées depuis 1971 par le groupe français Orano à Arlit (nord). Coactionnaire à hauteur de 36,6 %, l’Etat nigérien « commercialise en autonomie sa part de production », explique Orano, avant de préciser n’avoir « été approché » ni par Niamey ni par Téhéran dans le cadre de ces négociations clandestines. L’entreprise française assure, par ailleurs, « respecter strictement les sanctions internationales qui prohibent toute vente d’uranium par le groupe à l’Iran ». Contactée, l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) affirme n’avoir pas non plus été notifiée de l’existence d’un accord de vente, une procédure pourtant obligatoire. Les pourparlers autour de la livraison de 300 tonnes de minerai, dont la valeur est estimée à 56 millions de dollars (52,02 millions d’euros), ont été découverts par les services de renseignement américains au premier trimestre 2024. Le sujet a été porté à la connaissance de l’opinion par la junte nigérienne elle-même, le 16 avril. A la télévision nationale, les militaires ont en effet dénoncé les « allégations mensongères » formulées par Washington, « consistant à soutenir qu’il pourrait signer un accord secret sur l’uranium avec l’Iran ». Lire aussi A quel point la France est-elle dépendante de l’uranium nigérien ? Un mois plus tôt, la secrétaire d’Etat adjointe aux affaires africaines, Molly Phee, avait été dépêchée en urgence à Niamey pour discuter avec la junte de la reprise de la coopération militaire, suspendue après le coup d’Etat. Un rapprochement conditionné à « l’obtention d’assurances de la part des Nigériens qu’ils ne vendraient pas d’uranium aux Iraniens et qu’ils ne déploieraient pas de mercenaires russes sur le même terrain que les militaires américains », selon une source diplomatique occidentale travaillant sur le Niger. Mais la démarche n’a pas abouti : le 16 mars, deux jours après la visite de la diplomate américaine, les autorités nigériennes ont réclamé le départ du millier de soldats américains, estimant que les requêtes de Washington relevaient de l’ingérence. Et, dès le 10 avril, une centaine de paramilitaires russes de l’Africa Corps débarquaient à Niamey. Ultimatum La junte, elle, continue de nier avoir conclu un accord avec Téhéran autour de la vente de yellow cake. « On assiste à une réplique du mensonge que les Américains avaient monté en 2002, lorsqu’ils avaient accusé le Niger d’avoir vendu de l’uranium à Saddam Hussein [alors président de l’Irak] pour fabriquer des bombes atomiques, avec pour seul objectif de justifier leur intervention militaire », s’agace un conseiller du gouvernement nigérien. Newsletter « Le Monde Afrique » Chaque samedi, retrouvez une semaine d’actualité et de débats, par la rédaction du « Monde Afrique » S’inscrire Mais ce dernier reconnaît toutefois que Téhéran a « voulu signer un contrat pour acheter 300 tonnes d’uranium » lors de la visite à Niamey, fin février, du vice-ministre iranien des affaires étrangères, Mahdi Safari. « L’uranium, ce n’est pas des cacahuètes ! Comme nous sommes engagés par d’autres contrats, nous avons refusé. On n’avait tout simplement pas de stock disponible à leur vendre », précise-t-il, avant de souligner que la situation pourrait évoluer rapidement. Car la production d’uranium du groupe Orano, un temps suspendue en raison de contraintes logistiques liées à l’embargo territorial décrété par les chefs d’Etat ouest-africains au lendemain du coup d’Etat, a redémarré en février. Selon nos informations, les autorités nigériennes menacent, par ailleurs, depuis le printemps de retirer les permis d’exploitation d’uranium attribués au groupe français pour la mine d’Imouraren et au canadien GoviEx pour celle de Madaouela. Un ultimatum leur a été adressé – respectivement en juin et en juillet – pour démarrer leurs activités sur ces sites dont la capacité de production moyenne est estimée à plus de 6 000 tonnes par an. Faute de quoi leurs contrats pourraient être remis en jeu. Lire aussi le décryptage Après le coup d’Etat au Niger, Orano poursuit ses activités d’extraction d’uranium dans le nord du pays Afin d’engranger des liquidités pour juguler les effets de la crise économique engendrée par les sanctions imposées au pays à la suite du putsch, les autorités nigériennes entendent tirer profit de leur métal gris, dont le pays est le septième producteur mondial, et de la hausse de son cours (+ 40 % depuis juillet 2023) en le cédant au plus offrant. « L’Iran et la Russie sont intéressés, même si rien n’est encore signé », affirme le même conseiller gouvernemental. En octobre 2023, Bakary Yaou Sangaré, le ministre nigérien des affaires étrangères, avait rencontré son homologue iranien à Téhéran, sonnant une première alerte, chez les Occidentaux, quant à d’éventuelles tractations sur l’uranium. En janvier, c’est le premier ministre, Lamine Zeine, qui avait été reçu par les autorités russes puis par le président iranien, Ebrahim Raïssi, lors de déplacements successifs dans les deux pays, ouvrant la voie à un renforcement de la coopération militaire avec Moscou et dans les secteurs de l’énergie, de l’industrie et des mines avec Téhéran. « Enchères » Selon plusieurs sources officielles occidentales, les dernières tractations sur l’uranium auraient été facilitées par la Russie. Si le volume négocié n’aurait pas d’incidence sur le développement du programme nucléaire iranien, « géopolitiquement, l’existence de cette négociation est un événement très important, explique une source officielle française. Il montre qu’à peine installés au Niger, les Russes ont déjà ouvert la porte à l’un de leurs clients, l’Iran. » Une décision qu’il faut, selon cette source, « sans doute relier aux accords passés entre Moscou et Téhéran pour soutenir l’effort de guerre en Ukraine ». La République islamique ayant fourni à son allié du matériel militaire sur ce théâtre, l’accès à l’uranium du Niger « peut constituer une contrepartie tangible donnée par la Russie à son allié iranien », analyse Hamid Talebian, chercheur associé à l’Institut GIGA d’études sur le Moyen-Orient, à Hambourg, en Allemagne. Lire aussi le reportage Le programme nucléaire de l’Iran, toile de fond des tensions avec Israël Les négociations avec Téhéran pourraient aussi être un moyen pour Niamey d’essayer d’obtenir des conditions plus avantageuses des Occidentaux qui exploitent l’uranium extrait de son sol. « Lors de la flambée des cours du minerai, au début des années 2000, le président Mamadou Tandja avait fait monter les enchères avec la France en sous-entendant qu’il pourrait attribuer des gisements à l’Iran, dans l’objectif de renégocier les prix avec Paris. Ça avait fonctionné », rappelle Emmanuel Grégoire, chercheur émérite à l’Institut de recherche pour le développement. Il y a cinquante ans, au lendemain du coup d’Etat de 1974, le général Seyni Kountché s’était déjà servi de l’uranium pour exercer la même pression sur la France. Le putschiste avait alors affirmé que le Niger vendrait son minerai à qui bon lui semblerait, « y compris au diable ». Morgane Le Cam, Elise Vincent et Jacques Follorou NOS LECTEURS ONT LU ENSUITE Laïcité à l’école : interdire les signes religieux n’enfreint pas les droits des élèves, juge la CEDH Le 16 mai 2024 à 13h06 En se retirant du Niger, les forces américaines perdent une position stratégique au Sahel Le 16 mai 2024 à 09h47 Au Niger, la question de l’uranium à l’origine de la discorde avec les Etats-Unis, selon le premier ministre Le 14 mai 2024 à 16h57 Au Niger, une entreprise chinoise va reprendre l’extraction d’uranium après dix ans d’interruption Le 14 mai 2024 à 09h51 La Russie accroît sa présence en Libye, au grand désarroi des Occidentaux Le 10 mai 2024 à 22h21 Guerre Israël-Hamas, jour 225 : combats à Rafah et à Jabaliya ; Benny Gantz menace de quitter le cabinet de guerre en cas d’absence de plan d’après-guerre Hier à 20h25 CONTRIBUTIONS Bienvenue dans l’espace des contributions Pour améliorer la qualité des échanges sous nos articles, ainsi que votre expérience de contribution, nous vous invitons à consulter nos règles d’utilisation. 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