~~NOTOC~~ @DATE@ ====== Le Monde – Bruno Cautrès, politiste : « Dissoudre l’Assemblée issue du suffrage universel est tout sauf un acte anodin en démocratie » ====== {{https://www.lemonde.fr/idees/article/2024/06/10/bruno-cautres-politiste-dissoudre-l-assemblee-issue-du-suffrage-universel-est-tout-sauf-un-acte-anodin-en-democratie_6238509_3232.html?lmd_medium=al&lmd_campaign=envoye-par-appli&lmd_creation=android&lmd_source=default|lemonde}} Vous pouvez partager un article en cliquant sur l’icône de partage en bas à droite de celui-ci. La reproduction totale ou partielle d’un article, sans l’autorisation écrite et préalable du Monde, est strictement interdite. Pour plus d’informations, consultez nos conditions générales de vente. Pour toute demande d’autorisation, contactez syndication@lemonde.fr. 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Hier à 17h30, modifié hier à 17h31 Lecture 4 min Article réservé aux abonnés Offrir L’annonce surprise de la dissolution de l’Assemblée nationale plonge le pays dans un mélange d’interrogations, de perplexité et même de sidération. Quelles analyses peuvent être faites de ce « pari fou », une expression en vogue depuis l’annonce ? Trois lectures se dessinent face à cette dissolution. Lire aussi « Le succès spectaculaire de la liste RN ne signifie pas pour autant que les jeux sont faits pour les élections à venir » La première est celle d’une manœuvre tactique du chef de l’Etat pour reprendre la main et l’initiative d’une situation qui lui a échappé dès sa réélection, en 2022. Bien que missionnant Elisabeth Borne en début de mandat pour trouver des « majorités de projets », le chef de l’Etat n’est jamais parvenu à résoudre l’équation presque impossible sous la Ve République d’un pouvoir privé de majorité parlementaire. L’arrivée de Gabriel Attal à Matignon n’a rien changé à cette donne. La tactique du chef de l’Etat consisterait dès lors à pousser les oppositions dans les retranchements de leurs contradictions pour sauver son mandat : contraindre Les Républicains à le soutenir, fragmenter la gauche en misant sur les tensions internes, mettre le Rassemblement national (RN) au pied du mur. La seconde lecture est celle d’une manœuvre plus stratégique, qui se projette déjà vers 2027 et même au-delà : remettre en exergue le clivage fondateur et principiel entre les « progressistes » et les « conservateurs », le faire renaître de ses cendres sous la forme d’un nouveau combat entre les forces du bien (« l’arc républicain ») et celles du mal (« les nationalistes, les démagogues »). Cette stratégie miserait alors tout sur les tensions internes à la gauche et à la droite, ainsi que sur l’hypothèse que le macronisme a conservé sa force centripète pour attirer des particules de gauche et de droite vers le centre. Conséquences nationales spectaculaires La troisième lecture est moins favorable, voire clairement négative ou sombre, pour l’exécutif. Ni manœuvre tactique ou stratégique, la dissolution de l’Assemble nationale ne serait avant tout qu’un terrible aveu d’échec pour le pouvoir. Contraint par l’écrasante victoire du RN, le chef de l’Etat n’aurait alors pas eu d’autre choix que d’obtempérer à la demande de ce parti, qui avait clairement exprimé son souhait d’une dissolution en cas de victoire le 9 juin. Marine Le Pen avait d’ailleurs fait de la dissolution, voire d’une démission du chef de l’Etat en cas de victoire du RN, l’une des conditions d’un éventuel débat avec le chef de l’Etat pendant la campagne électorale. Ce sont bien sûr les résultats du 30 juin et du 7 juillet qui trancheront entre ces trois grilles de lecture et nous diront quel sens, a posteriori, on peut donner à cette dissolution surprise. Car, en vérité, le sens politique de cette dissolution a bien du mal à être mis au jour au lendemain de son annonce. Lire aussi « C’est bien la poussée impressionnante de la liste de Jordan Bardella qui a conduit Emmanuel Macron à la dissolution » Si la majorité a voulu souligner la part d’audace du pari présidentiel, évocatrice de la figure héroïque chez les macronistes d’un président courageux face aux situations de crise, force est de constater que la part d’incertitude et de contradictions soulevées par cette décision l’emporte. Contradiction en effet entre un chef de l’Etat qui dissout l’Assemblée au nom d’une « fièvre qui s’est emparée ces dernières années du débat public et parlementaire dans notre pays », mais qui expliquait, il y a seulement un an, que le gouvernement arrivait à faire « passer nombre de textes de loi qui étaient difficiles » (interview à TF1 le 15 mai 2023) et que jamais autant de textes n’avaient été adoptés en début de législature. Contradiction également entre un exécutif qui nous invitait à ne penser qu’à l’Europe lors des élections européennes, mais qui en tire le jour même du scrutin des conséquences nationales spectaculaires. « Où allons-nous ? » Au-delà de toutes ces interrogations et, il faut bien le dire, de la perplexité sur le sens du « pari fou » de la dissolution, il est un sujet qu’il convient plus que jamais de prendre au sérieux : le pays ne va pas bien et les sentiments d’angoisse, d’anxiété, de pessimisme et de défiance sont très prégnants dans l’opinion, comme le montre, vague après vague, le Baromètre de la confiance politique du Cevipof ou l’enquête électorale que nous réalisons avec nos partenaires (Le Monde, Fondation Jean-Jaurès, Institut Montaigne et Ipsos). Lire aussi Elections européennes 2024 : la spectaculaire rétraction du macronisme Dans la dernière vague de cette enquête, réalisée quelques jours avant les européennes, c’est l’inquiétude, l’incertitude et la fatigue qui s’expriment avant tout. Il n’est donc pas impossible que cette dissolution, qui se veut pourtant clarificatrice, soit avant tout perçue comme porteuse de confusion, rendant la situation encore plus floue et incertaine. Les questions prioritaires que le pays se pose ne sont pas les configurations de candidatures aux législatives ou les considérations tactiques sur le basculement de tel ou telle député vers la majorité. Si les questions de justice sociale, de reconnaissance des efforts faits dans sa vie, de changement climatique, d’immigration ou de sécurité préoccupent beaucoup, le pays attend peut-être encore plus du politique qu’il réponde avec lisibilité à des questions simples que tout le monde se pose : Où allons-nous ? Quel est le résultat fondamental d’action publique que notre chef de l’Etat souhaite avoir atteint à la fin de son second mandat et au bout de dix ans d’exercice de la fonction suprême ? Est-ce la réduction des déficits ? La modernisation de l’Etat et des services publics ? Une justice plus proche et efficace ? Les injustices sociales réduites drastiquement ? Moins de violence dans la société ? etc. Et quelle est la hiérarchie de ces objectifs ? L’objectif numéro un ? Quelles marges de manœuvre dans un contexte international de plus en plus tendu, et un contexte budgétaire de plus en plus contraint ? Ces questions sont capitales car dissoudre l’Assemblée issue du suffrage universel est tout sauf un acte anodin en démocratie. Les motivations de cet acte hautement symbolique tout comme le sens politique qu’il porte doivent être à la hauteur des attentes d’une France en plein malaise démocratique doublé d’une crise de sens profonde. Bruno Cautrès est enseignant à Sciences Po et chercheur CNRS au Centre de recherches politiques de Sciences Po (Cevipof). Bruno Cautrès NOS LECTEURS ONT LU ENSUITE Après l’annonce de la dissolution, les inquiétudes des maires de banlieue : « J’ai vu de la peur, ce soir » Hier à 16h18 « Le succès spectaculaire de la liste RN ne signifie pas pour autant que les jeux sont faits pour les élections à venir » Hier à 16h00 Comment la dissolution de l’Assemblée nationale a fait son chemin à l’Elysée Hier à 09h19 La dissolution fait aussi peser un risque sur les finances publiques Hier à 19h31 Jean-Louis Bourlanges, président de la commission des affaires étrangères, annonce ne pas se représenter à l’Assemblée nationale Hier à 16h19 Les résultats des élections européennes en France, ville par ville Le 09 juin 2024 à 22h55 CONTRIBUTIONS Bienvenue dans l’espace des contributions Pour améliorer la qualité des échanges sous nos articles, ainsi que votre expérience de contribution, nous vous invitons à consulter nos règles d’utilisation. Voir les contributions