~~NOTOC~~ @DATE@ ====== Le Monde – Après l’annonce de la dissolution, les inquiétudes des maires de banlieue : « J’ai vu de la peur, ce soir » ====== {{https://www.lemonde.fr/politique/article/2024/06/10/apres-l-annonce-de-la-dissolution-les-inquietudes-des-maires-de-banlieue-j-ai-vu-de-la-peur-ce-soir_6238497_823448.html?lmd_medium=al&lmd_campaign=envoye-par-appli&lmd_creation=android&lmd_source=default|lemonde}} Vous pouvez partager un article en cliquant sur l’icône de partage en bas à droite de celui-ci. La reproduction totale ou partielle d’un article, sans l’autorisation écrite et préalable du Monde, est strictement interdite. Pour plus d’informations, consultez nos conditions générales de vente. Pour toute demande d’autorisation, contactez syndication@lemonde.fr. 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Par Luc Bronner Par Luc Bronner Par Luc Bronner Hier à 16h18, modifié hier à 21h38 Lecture 4 min Article réservé aux abonnés Offrir Momodu Tarawalie (au centre), 37 ans, agent de contrôle RATP, avec Adama Sy (à droite), 42 ans, autoentrepreneur travaillant dans le BTP, et Camara (à gauche), 41 ans, fonctionnaire. Le 9 juin 2024, jour de vote pour les élections européennes, à Evry-Courcouronnes (Essonne). LUCAS BARIOULET POUR « LE MONDE » Devant le bureau de vote d’Evry-Courcouronnes (Essonne), Adama Sy, père de famille, entrepreneur, décrivait dimanche 9 juin au matin sa désillusion de constater que ses origines sénégalaises continuaient, plus de quarante années après sa naissance en France, de lui être renvoyées à la figure. « Je suis né en France, je travaille, mais, aux yeux des autres, je ne suis toujours pas français », avait-il résumé en expliquant avoir choisi de voter La France insoumise (LFI) pour les élections européennes, afin de garder de l’espoir pour ses enfants. Devant le même bureau, un peu plus tard, Rose Zagovian, 71 ans, infirmière à la retraite, expliquait voter Jordan Bardella, tête de liste du Rassemblement national (RN), pour la sécurité de ses petits-enfants et de son premier arrière-petit-fils. « Quand on voit tout ce qu’on donne à des gens qui n’ont jamais travaillé de toute leur vie », avait insisté cette ancienne électrice de gauche, qui se souvient pourtant avoir pleuré au soir du 21 avril 2002, après la qualification de Jean-Marie Le Pen au second tour de l’élection présidentielle. Comme un résumé des fractures et des transformations d’un pays. Le 30 juin et le 7 juillet, ils seront à nouveau appelés aux urnes, comme l’ensemble des électeurs, pour des législatives anticipées décidées par Emmanuel Macron. Comme un résumé aussi du vertige qui a saisi électeurs et élus après l’annonce par le chef de l’Etat de la dissolution, dimanche soir. « Je suis abasourdi et inquiet, c’est jouer à la roulette russe », s’alarme le maire d’Evry-Courcouronnes, Stéphane Beaudet (ancien Les Républicains, aujourd’hui sans étiquette). « Chez moi, LFI et le RN atteignent des proportions lunaires » (respectivement 36,7 % et 17 %), souligne l’élu, issu de la droite, en soulignant combien, à ses yeux, les deux extrêmes se rejoignent dans les programmes et les méthodes et combien celles-ci le rebutent. « Les plafonds de verre des extrêmes ont sauté », constate le maire, à l’unisson d’autres élus, qui soulignent l’importance des scores cumulés de LFI et du RN dans leurs territoires. « Un plafond de plumes » « Je ne choisirai pas entre LFI et le RN, si c’est le scénario à venir », clame ainsi le maire de Montfermeil (Seine-Saint-Denis), Xavier Lemoine (divers droite). « Avec les législatives, cela va hystériser encore plus les débats. Je ne sais pas comment on s’en sortira dans nos villes », note l’élu, en poste depuis 2002, déjà en première ligne pendant les émeutes de l’automne 2005. A Corbeil-Essonnes (Essonne), où LFI a obtenu 34 % des voix, devant le RN avec 24,2 % des suffrages, le maire, Bruno Piriou (divers gauche), décrit aussi une commune fracturée : « J’ai une ville clivée. Les quartiers ont voté massivement LFI, les zones du centre ont placé Bardella en tête. On a besoin d’une énorme remise en question de la gauche, nous avons une immense responsabilité, c’est d’un aggiornamento que nous avons besoin. Mais en trois semaines, comment faire ? » Rose Zagovian, infirmière retraitée de 71 ans, à la sortie d’un bureau de vote à Evry-Courcouronnes, dans l’Essonne, le 9 juin 2024. LUCAS BARIOULET POUR « LE MONDE » Gilles Leproust, maire (Parti communiste français, PCF) d’Allonnes (Sarthe), et président de l’association Ville et banlieue, parle d’un « uppercut » pour qualifier le choc de l’annonce d’une dissolution. « Je suis particulièrement inquiet. Dissoudre le 9 juin pour voter le 30 juin, putain… », lâche l’élu en évoquant des calculs politiques du chef de l’Etat d’une « dangerosité et d’une gravité extrêmes ». « Le plafond de verre de l’extrême droite, c’est désormais un plafond de plumes. Pendant la campagne, j’ai beaucoup entendu : “On les a pas essayés”, à propos de l’extrême droite. » Dans sa commune, pour les européennes, Jordan Bardella est arrivé nettement en tête, avec 37,6 % des suffrages, devant Manon Aubry, avec 14 %. Lire aussi Comment la dissolution de l’Assemblée nationale a fait son chemin à l’Elysée Ali Rabeh, le maire (Génération.s) de Trappes, dans les Yvelines, a de la colère dans la voix : « Tous les gens qui vont payer le prix fort si jamais l’extrême droite gagne, je les vois. Je n’en peux plus des apprentis sorciers, dans les salons parisiens, qui jouent au poker. Ceux qui risquent de sortir nus de tout cela, ce sont les miens. » « Quelles consignes auront les préfets ? » Le maire de Grigny (Essonne), Philippe Rio (PCF), insiste lui aussi sur les conséquences concrètes d’une éventuelle victoire du RN au soir du second tour des législatives : « Ce serait terrible pour nos villes. Les quartiers n’étaient déjà pas la priorité. Mais, si l’extrême droite gagne, ils vont nous matraquer fiscalement, financièrement. J’ai déjà eu des discussions avec mon administration sur ce qu’on peut perdre. Que ferait par exemple un gouvernement d’extrême droite dans le projet de loi de finances 2025 sur la dotation de solidarité urbaine ? Pour nous, c’est 15 millions d’euros par an sur 45 millions de dotations. Or, avec toutes ses promesses, il faudra bien que Marine Le Pen aille chercher de l’argent quelque part. » Devant la mairie d’Evry-Courcouronnes, le 9 juin 2024, jour du scrutin des élections européennes. LUCAS BARIOULET POUR « LE MONDE » Le maire raconte l’angoisse qui a saisi les habitants présents dimanche. « J’ai vu de la peur, ce soir. La préférence nationale appliquée à nos territoires, cela voudra dire quoi ? », interroge encore l’élu de Grigny. Analyse similaire d’Ali Rabeh, à Trappes : « J’ai une politique volontariste pour les cantines, par exemple, pour que les parents payent un strict minimum. Demain, qu’est-ce qui se passera si j’ai un sous-préfet, un préfet, un ministre de l’intérieur, un premier ministre d’extrême droite ? » Bruno Piriou, à Corbeil-Essonnes, pose la même question : « On travaille tous les jours avec les préfets : quelles consignes auront-ils dans un mois ? » Lire aussi Législatives 2024 : une campagne sous pression pour un scrutin à haut risque La perspective des élections législatives renvoie à d’autres inquiétudes. Celles de l’organisation concrète de deux tours de scrutin, en trois semaines, en pleine période de fêtes des écoles, de Fête de la musique, de fêtes associatives en tout genre. « Macron est sur son perchoir, il n’a pas idée de la complexité à organiser des élections, ni même de leurs coûts pour des communes comme les nôtres », glisse Bruno Piriou. Celle de la sécurité aussi. A Evry-Courcouronnes, Stéphane Beaudet rappelle les violences urbaines vécues en 2002 après la qualification de Jean-Marie Le Pen au second tour de la présidentielle. Des incidents très sérieux avaient également marqué la victoire de Nicolas Sarkozy, le candidat de l’Union pour un mouvement populaire, en 2007. Depuis, les émeutes de l’été 2023 ont secoué des élus pourtant habitués à gérer des phases de tension. « J’ai peur de l’émeute partout, s’alarme le maire. J’ai vingt-cinq ans de mandats et je me sens démuni. » Luc Bronner NOS LECTEURS ONT LU ENSUITE « L’union des gauches et des écologistes, maintenant ! » : l’appel de 350 personnalités du monde politique, intellectuel, militant et artistique Hier à 14h00 « Le succès spectaculaire de la liste RN ne signifie pas pour autant que les jeux sont faits pour les élections à venir » Hier à 16h00 « C’est bien la poussée impressionnante de la liste de Jordan Bardella qui a conduit Emmanuel Macron à la dissolution » Hier à 12h00 La dissolution fait aussi peser un risque sur les finances publiques Hier à 19h31 Jean-Louis Bourlanges, président de la commission des affaires étrangères, annonce ne pas se représenter à l’Assemblée nationale Hier à 16h19 Les résultats des élections européennes en France, ville par ville Le 09 juin 2024 à 22h55 CONTRIBUTIONS Bienvenue dans l’espace des contributions Pour améliorer la qualité des échanges sous nos articles, ainsi que votre expérience de contribution, nous vous invitons à consulter nos règles d’utilisation. 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