2025/09/18 01:43
Huit cent. C’est le nombre d’organisations ciblées par une campagne de désinformation prorusse très active ces derniers mois et visant particulièrement les cellules presse de vérification de l’info. Dans un rapport publié ce mardi matin, Check First revient sur ce qu’elle nomme l’opération « Overload ». 20 Minutes fait le point alors que la Russie a assuré ce mardi ne « pas interférer » en France et démenti toute campagne de désinformation visant les Jeux olympiques de Paris.
C’est quoi cette campagne « Overload » ?
Plus de 800 organisations à travers le monde, principalement des médias, ont été visées par de faux contenus partagés sur X et Telegram et par des mails envoyés directement aux journalistes. Des rédacteurs souvent rattachés à la rubrique de décryptage des « fake news ».
Selon un rapport fleuve de Check First, une société finlandaise de logiciels qui enquête sur la désinformation en ligne, et de Reset Tech, spécialisé dans e-sécurité, « les comptes X de plus de 800 organisations originaires de plus de 75 pays ont été ciblés par le réseau de désinformation prorusse, dont 104 comptes français ». « Plus de 100 mails ont été envoyés à des services de fact-checking
depuis le mois d’août 2023, avec un pic d’activité en février et mars », rapporte également le site de la chaîne TF1 qui confirme avoir été visée.
En France, TF1 donc mais aussi Le Figaro, RFI ou Le Parisien ont été approchés. Mais aussi le Crous Paris ou le Conseil d’Etat. En Australie, 15 médias, parmi lesquels le groupe ABC, l’Australian Associated Press (AAP), The Daily Aus ou The Conversation ont fait les frais de cette nouvelle campagne d’influence prorusse. ABC News affirme qu’aucun d’entre eux n’a cependant été dupé. « Nous n’avons aucun moyen d’évaluer à quel point nous sommes exhaustifs. Nous pensons que nous n’avons vu que la pointe de l’iceberg », déclare toutefois Guillaume Kuster, PDG de Check First, dans un communiqué. Les recherches qui se sont concentrées plus attentivement sur l’Europe ont permis de lister quelque 250 articles rédigés à la suite de cette pluie de « fake news ».
Qu’est ce qui est nouveau avec « Overload » ?
Ce qui est nouveau, c’est que cette nouvelle propagande prorusse ne se contente pas de diffuser des « fake news » au grand public, mais cible directement les journalistes. « C’est la première fois que nous documentons ces entités potentielles parrainées par l’État, ciblant spécifiquement les informations et les vérificateurs de faits eux-mêmes », a ainsi déclaré à ABC Shane Ripley, analyste des cybermenaces au sein de la société de renseignement privée Recorded Future.
Comment les activistes s’y prennent-ils ?
Chaque tentative de déstabilisation commence par un e-mail ou un tweet écrit et posté par un citoyen prétendument concerné par l’actu et contenant des liens vérolés. Des liens menant vers des pages de médias abordant la couverture du faux sujet « avec la même édition, les mêmes polices et la même mise en page que des médias existants », poursuit l’étude.
Et « parfois à propos d’informations qui n’avaient absolument aucun lien avec la Russie ou avec les conflits en cours ». L’un des mails reçu par la presse australienne disait tout simplement : « Moby n’a donné aucun concert ces derniers temps, c’est une information très étrange, pouvez-vous la vérifier ? »
Reste à faire croire que le fait est largement répandu en « publiant différentes versions du même récit sur les sites Web qu’ils contrôlent, sur les chaînes Instagram et sur plusieurs chaînes Telegram, et se coordonnant pour donner la fausse impression que ce faux contenu
qu’ils ont eux-mêmes créé est partout », explique encore Guillaume Kuster.
Quel est l’objectif de cette campagne de désinformation ?
Eh bien, de désinformer et d’influencer l’opinion publique sur la guerre en Ukraine. Mais surtout « d’encombrer les systèmes de vérification des faits dans les rédactions », admet Check First. D’où le nom « Overload », « surcharge » en français. « Leur espoir est d’utiliser les journalistes pour leur faire perdre du temps et des ressources », explique Guillaume Kuster.
Créer de la désinformation pour qu’elle soit justement débunker par toute une brigade de vérificateurs de faits « peut sembler contre-intuitif », avance ABC, mais des chercheurs pensent que les prorusses partent du principe que « toute publicité est une bonne publicité ». Car si le journaliste se laisse duper, eh bien on assiste alors à ce qu’on appelle communément « l’effet Streisand » : démystifier revient à donner de l’importance à la « fake news » et à l’amplifier. Le récit, même faux, est propagé et… c’est gagné. « Même s’il y a une grande croix rouge et le mot faux
en haut du récit, cela peut faire rire ou peut rester gravé dans la tête d’un lecteur », explique encore Guillaume Kuster.
De quelles « fake news » s’agit-il ?
Des graffitis anti-ukrainiens dans Paris, des captures d’écran de médias ou de faux extraits d’actualités. D’une fausse vidéo de propagande de l’armée russe. Ou tout ce qui permet de laisser penser que les alliés de l’Ukraine ne sont pas capables d’assurer la sécurité de leurs citoyens. Fin mars, la cellule des Vérificateurs de TF1 a, elle, été sollicitée pour vérifier une info relayant une chute des réservations pendant les JO.
A l’automne 2023, rapporte TF1, un graffiti de Volodymyr Zelensky grimé en cannibale a mobilisé les cellules « Fake Off » de nombreux médias et ce, pendant plusieurs semaines. Il s’avère que de nombreux sites allemands parlaient de la drôle d’œuvre d’art. Sauf que le graffiti était faux… tout comme les captures d’écran des sites allemands.
La Russie est-elle aux commandes d’Overload ?
ça n’aurait rien de surprenant, selon Check First, qui assure que « les objectifs de l’opération correspondent aux intérêts du Kremlin ». Reste que le média préfère rester prudent et avance que, tout ce qu’elle peut « dire, c’est qu’en regardant les récits, c’est pro-russe ». Les autres indices ? « Des lignes parasites en cyrillique laissées dans des mails et des URL et des liens renvoyant à des chaînes Telegram portant des noms tels que La main du Kremlin
», avance Check First, qui avertit qu’il est peu probable que l’opération « Overload » s’arrête de sitôt.Toutes les enquête de notre cellule Fake Off
Ce mardi, le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, a démenti toute campagne de désinformation visant, entre autres, les Jeux olympiques de Paris cet été, qualifiant de « pure calomnie » un nouveau rapport du Centre d’analyse des menaces (MTAC), géré par Microsoft. Comme « Overload », le rapport du MTAC cite deux groupes d’influence russes, Storm-1679 et Storm-1099, auxquels il est reproché de « semer la peur pour dissuader les spectateurs d’assister aux Jeux » olympiques.
20minutes