2025/09/18 02:03
"J’ai proposé 100 euros de plus au black pour le logement" :
l’encadrement des loyers à Montpellier, une mesure parfois détournée Depuis juillet 2022, la ville de Montpellier est soumise à ce dispositif. Certains y trouvent leur compte, d’autres non. Avantages, contraintes, risques… le point sur la réalité de la mesure depuis son application.
Une mesure louable afin de régler un problème de logement. “Face à la difficulté d’accès au logement constatée sur la ville de Montpellier”, la mise en place de l’encadrement des loyers a été décidée pour “limiter le niveau des loyers dans les secteurs en forte tension immobilière et prévenir les loyers abusifs”. En vigueur depuis le 1er juillet 2022, le dispositif ne fait pourtant pas l’unanimité. Petit tour d’horizon sur l’application concrète de cette mesure. 1. Une sécurité pour éviter les abus Lors de sa mise en place, le maire de Montpellier Michaël Delafosse justifiait ce choix : “L’encadrement des loyers est un outil efficace de lutte contre la spéculation : l’accès au logement est un droit essentiel.” Beaucoup de locataires bénissent cette mesure. Comme Geoffrey (prénom d’emprunt) cet étudiant en master d’enseignement qui est arrivé de Paris pour poursuivre son cursus. “J’ai dû abandonner mes études à Paris pour des raisons financières. Là-bas mon propriétaire dépassait très largement – de 100 euros par mois – l’encadrement des loyers. Il m’a remboursé à la suite d’une mise en demeure.” Après cette expérience, le jeune homme qui ne vit pas seul dans un 33 m2 pour un loyer de 605 euros par mois explique “même avec la CAF et une bourse étudiant de mon côté, cela reste difficile à payer. Heureusement qu’il n’est pas possible légalement pour le propriétaire de dépasser car sans cette sécurité, nous serions étranglés par le coût du logement.”
Des loyers à ne pas dépasser L’arrêté d’encadrement des loyers détermine un loyer de référence (hors charges), un loyer plancher et un loyer plafond à ne pas dépasser. Les critères sont la zone géographique (il y en a 5 à Montpellier), le nombre de pièces, l’époque de construction et si le logement est meublé ou non. Pour exemple, un studio dans l’Écusson de 25 m2 ne peut pas être loué plus que 542 euros par mois, contre 302 euros à Euromédecine. Pour un F4 de 80 m2, le loyer mensuel ne peut pas dépasser 976 euros dans le quartier de Celleneuve, et 1040 dans le centre-ville. Un simulateur permet de se renseigner. 2. Une augmentation de loyer au black Maxime, jeune travailleur de 23 ans n’est pas du même avis. “C’est tellement la galère de trouver un logement que quand j’en visite un, je propose au bailleur de le prendre en ajoutant une prime. Il m’est arrivé de convaincre un propriétaire pour un studio en ajoutant 100 euros au black.” Même si ce dernier précise : “Ça peut paraitre brutal mais quand on tombe sur un bon logement, je trouve que c’est bien de voir une différence de prix avec certains qui ne le valent pas.” 3. Moins d’investissement de la part des propriétaires À loyer équivalent pourquoi investir et se démarquer ? C’est en tout cas ce que pense Josiane. Cette dame d’un certain âge loue un petit bien dans le centre historique depuis des décennies. “J’aime bien le remettre à neuf, ajouter quelques accessoires et le moderniser au fil des ans pour qu’il soit agréable. Mais si je ne peux pas le faire payer comme je l’entends et surtout que le loyer soit le même qu’un appartement tout pourri, pourquoi m’embêter ?” Même discours de la part de Laurent : “Je louais un appartement dans le centre-ville 800 euros avant travaux et avant encadrement, je le loue maintenant 680 €, meublé, refait à neuf.” Son appartement comporte une chambre sous les toits qu’il ne peut pas comptabiliser. “Si j’avais été informé avant les travaux de cet encadrement je ne les aurais clairement pas réalisés. Je ne vois pas l’intérêt du propriétaire d’investir pour créer un logement supérieur à un autre alors que le seul critère retenu est la superficie. Je vais donc maintenir la location, mais “en l’état”.” 4. Des propriétaires sérieux démunis face à l’inflation Magali fait partie des personnes qui pense que la mesure devrait être étudiée au cas par cas. “La plupart des propriétaires ne sont ni des spéculateurs, ni des marchands de sommeil”, tient-elle à préciser. Propriétaire de la maison de ses parents de 80 m2 à Montpellier avec sa mère usufruitière du bien mais qui vit en Ehpad, elle se trouve démunie face à l’encadrement des loyers. “Ma mère doit assumer un montant d’hébergement qui reste très lourd relativement à sa pension de retraite. La “pension” de ma mère en Ehpad, elle, augmente tous les ans de façon notable”, mais en revanche elle ne peut pas augmenter le revenu de son bien. 5. Taxe foncière, diagnostic… Comme Magali, certains bailleurs peuvent comprendre la mesure d’encadrement “mais à ce compte-là il faudrait encadrer aussi la taxe foncière et le reste ? ” Gérald est catastrophé. “Entre les travaux que je dois faire pour mettre s’en cesse le logement aux normes, la taxe foncière qui n’arrête pas d’augmenter et les loyers qui sont limités l’appartement que je loue me coûte plus cher qu’il me rapporte. L’an dernier avec des problèmes de fuites, de façades dans la copropriété j’ai dû débourser plus de 10 000 euros en plus. Je ne sais plus comment faire et pourtant ce petit appartement devait m’aider à joindre les deux bouts et il m’enfonce.” Beaucoup avouent qu’à force ils vont être dans l’obligation de vendre leur bien. “Ça finira par le fait qu’il n’y aura plus de petits propriétaires, mais des sociétés qui vont rafler le marché, c’est David contre Goliath.”
L’annulation de la mesure rejetée par le tribunal administratif Le recours déposé par l’association nationale de défense des propriétaires d’immeubles de Montpellier afin de faire annuler l’arrêté préfectoral qui détermine l’encadrement des loyers a été rejeté par le tribunal administratif il y a quelques jours. Une décision surprenante pour Me Philippe Calafell au vu des conclusions du rapporteur public. Mais l’avocat le précise : “Il y aura un match retour, je suis battu, pas abattu”, indiquant ainsi qu’il envisage de faire appel. L’avocat est confiant sur la suite de la procédure. “Il ne faut pas oublier qu’un bon propriétaire, il veut garder son locataire. Si le loyer est trop cher, il ne louera pas.” “Un fantasme des politiques” “Aujourd’hui il manque des logements et l’encadrement des loyers est un fantasme des politiques pour régler le problème de la pénurie.” Et de préciser : “Je ne suis pour la chasse aux marchands de sommeil, je suis pour le permis de louer, mais cet encadrement des loyers pose souci.” La mesure est injuste selon lui : “Ce n’est pas simple d’être un bailleur, il y a beaucoup de frais, impôts, travaux… Il faut permettre aux petits propriétaires de pouvoir louer pour qu’ils puissent garder le logement.”. Et puis “le plafonnement ne peut pas s’appliquer seulement à quelques communes, ou l’encadrement des loyers se fait partout ou il se fait nulle part.” 6. La solution Airbnb… Et si cette mesure était défavorable aux locataires. Isabelle vient d’acheter un appartement à rénover. “Le coût de l’immobilier étant conséquent si je veux pouvoir m’y retrouver et rembourser mon emprunt, je ne peux le louer nu à moins de le laisser dans un état déplorable…” Elle réfléchit donc à le louer en meublé voir en courte durée pour les touristes. “Pas sûre que l’encadrement des loyers ait l’effet escompté.” Denis, qui a toujours combattu la location en passant par Airnbn va finalement passer le pas. “C’est triste, mais en faisant mon calcul j’y gagne davantage et même je ne perds pas d’argent. En revanche, ça fera un logement de moins pour un Montpelliérain…” midilibre